mercredi 31 juillet 2013

Au Bord du Commencement

Au Bord du Commencement


     Le sort a voulu que j’atteigne mon objectif en pénétrant les secrets de la mort et en dénouant ses symboles et ses secrets. Au moment où je traversais la rue pour aller chercher une voiture au parc de stationnement, attenant à la muraille arrière de l’Université, et alors que mes yeux et mon esprit étaient fixés vers le lointain, je me suis trouvé face à face avec un camion dont la vitesse folle ne m’a pas laissé la chance de l’éviter. L’accident me fouetta et me jeta au bord de la rue. J’avais le sentiment d’être tombé de haut, dans un précipice profond, mon corps m’ayant quitté, ou que je l’ai quitté. Nous nous sommes séparés puis nous nous sommes retrouvés face à face, ou plutôt une âme face à un cadavre. J’étais là, debout, triste, avec ceux qui sont debout, regardant avec la foule mon corps qui saigne, entouré des étudiants venus au secours, prononçant Dieu est le plus grand, alors que d’autres exprimaient leurs peines et leurs regrets. J’ai vu avec les spectateurs l’ambulance précédée de son cri, les gens s’écartant pour la laisser passer. Je me voyais porté par les bras, accompagné par les cris et les marques de sympathie. Une fois dans l’ambulance, celle-ci se dirigea en toute vitesse vers sa destination. Étendu dans la salle des diagnostics – section des urgences – j’ai entendu tout effrayé le mot que le médecin traitant adressait au groupe d’étudiants qui l’accompagnaient, la perplexité apparente sur son visage, et ses yeux incapables de se fixer de peur et d’étonnement: Il a toujours, loué soit Dieu, en dépit de la gravité de son état, un fil qui le relie à la vie. À part sa grande chance, son paradoxe reste une affaire de temps, jusqu’à ce que Dieu, le Très Haut, en décide. Le médecin a conclu son rapport en me transférant à la section des soins intensifs. Là, j’ai vu s’exprimer les âmes et le dévouement de la communauté des médecins accourus vers les cas qui font face au danger soudain, au péril qui se présente et à la mort qui approche. Je fus confié à un appareil électronique de contrôle, sous la supervision d’un médecin assistant, qui en interroge les signes et qui en interprète les changements, les yeux bien ouverts, tout conscient et tout attentif, se levant et s’assoyant. Il a été surpris dans son état d’inquiétude et d’ennui par le responsable de l’inspection centrale chargé de s’enquérir de l’état des patients, des conditions de leur traitement, et des degrés de soins qui leurs sont accordés. La première chose qu’il fit, après avoir lancé un salut tiède sans chercher à savoir qui l’a entendu, était de lire attentivement la liste des observations attachée au bout du lit. Il regarda ensuite l’appareil puis il s’adressa à l’assistant sur un ton sévère: Remettez un rapport concis à la commission médicale chargée d’effectuer la dernière phase des soins dans la salle des opérations, afin qu’elle prenne toutes les dispositions pour l’autopsie, car le cas se rapproche du point de désespoir et du dernier souffle.

          Mon lit fut conduit à la salle du destin pour que j’y trouve, malheureusement, une atmosphère d’attente du décès qui plane sur l’endroit et qui obsède les convictions de ceux qui s’y trouvent. Les membres de la commission étaient surs au sujet de mon départ, convaincus de ce qu’ils ont réuni comme preuves et crises. Leurs avis étaient fixés sur ce qu’ils avaient comme indications médicales et comme termes de mort clinique. Je n’ai même pas vu parmi eux un seul médecin sage dont la foi le tient à distance de leur accord, ou qui retrouve la confiance dans le Dieu des mondes. C’était comme si ces derniers ne savaient pas que la mort est un arrêt de Dieu, à l’instar de la vie, et que leur créateur est Vivant et Éternel, que Sa clémence contient toutes choses et que son attention couvre toutes les créatures.

          Quant à moi, tout ce que j’ai senti de l’état où je me trouvais, était le fait d’être tombé dans un coma d’un genre dont peu de gens reviennent. En général, ce genre de coma connu dans les milieux médicaux et de la recherche, a l’habitude de livrer sa victime à la mort inévitable dans une proportion de 98 pour cent.

          J’écoutais leurs débats et j’entendais ce qui était permis et prohibé de leurs paroles, tout affligé par la misère de leur penchant et de la perversité de leur doctrine et de leurs discours. Je citais le nom de Dieu en l’implorant, à l’ombre de Sa miséricorde en répétant il n’y a de force et de puissance qu’en Dieu le Très Puissant, le Glorieux, tandis que la confiance de revenir à la vie d’ici-bas envahissait ce qui semblait être mon état aux yeux des insouciants.

          Les gens se sont groupés autour de moi voilés, se penchant au-dessus de mon lit, tout prêts à intervenir. L’aîné parmi eux s’avança portant un bistouri à la main droite et dans ses yeux la crainte. Il le mit sur mon torse et au moment où il s’apprêtait à opérer, mes yeux s’illuminèrent, mon cœur se mit à palpiter, mes membres se ranimèrent, la santé coula de nouveau dans mes veines et les médecins furent abasourdis; ils perdirent la boussole, les uns ébahis, les autres fuyant et ceux à qui que Dieu a accordé Sa miséricorde ont dit Dieu est le plus grand[1].

          La nouvelle de mon salut se répandit rapidement dans les milieux où ma mort avait été annoncée; et que Dieu le Très Haut a décidé mon retour au monde de nouveau. Les étudiants reçurent la nouvelle étonnés; ils essayèrent de l’interpréter et de l’expliquer à la lumière de ce qu’ils ont appris sur moi et de ce qu’ils pensent au sujet des questions de la mort et de la vie.


[1] «Mais ceux qui savent sont seuls à les comprendre» (L’Araignée, 43). 

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