Au Bord du Commencement
Le sort a voulu que j’atteigne
mon objectif en pénétrant les secrets de la mort et en dénouant ses symboles et
ses secrets. Au moment où je traversais la rue pour aller chercher une voiture
au parc de stationnement, attenant à la muraille arrière de l’Université, et
alors que mes yeux et mon esprit étaient fixés vers le lointain, je me suis
trouvé face à face avec un camion dont la vitesse folle ne m’a pas laissé la chance
de l’éviter. L’accident me fouetta et me jeta au bord de la rue. J’avais le
sentiment d’être tombé de haut, dans un précipice profond, mon corps m’ayant
quitté, ou que je l’ai quitté. Nous nous sommes séparés puis nous nous sommes
retrouvés face à face, ou plutôt une âme face à un cadavre. J’étais là, debout,
triste, avec ceux qui sont debout, regardant avec la foule mon corps qui
saigne, entouré des étudiants venus au secours, prononçant Dieu est le plus
grand, alors que d’autres exprimaient leurs peines et leurs regrets. J’ai vu
avec les spectateurs l’ambulance précédée de son cri, les gens s’écartant pour
la laisser passer. Je me voyais porté par les bras, accompagné par les cris et
les marques de sympathie. Une fois dans l’ambulance, celle-ci se dirigea en
toute vitesse vers sa destination. Étendu dans la salle des diagnostics –
section des urgences – j’ai entendu tout effrayé le mot que le médecin traitant
adressait au groupe d’étudiants qui l’accompagnaient, la perplexité
apparente sur son visage, et ses yeux incapables de se fixer de peur et
d’étonnement: Il a toujours, loué soit Dieu, en dépit de la gravité de son
état, un fil qui le relie à la vie. À part sa grande chance, son paradoxe reste
une affaire de temps, jusqu’à ce que Dieu, le Très Haut, en décide. Le médecin
a conclu son rapport en me transférant à la section des soins intensifs. Là,
j’ai vu s’exprimer les âmes et le dévouement de la communauté des médecins
accourus vers les cas qui font face au danger soudain, au péril qui se présente
et à la mort qui approche. Je fus confié à un appareil électronique de
contrôle, sous la supervision d’un médecin assistant, qui en interroge les
signes et qui en interprète les changements, les yeux bien ouverts, tout
conscient et tout attentif, se levant et s’assoyant. Il a été surpris dans son
état d’inquiétude et d’ennui par le responsable de l’inspection centrale chargé
de s’enquérir de l’état des patients, des conditions de leur traitement, et des
degrés de soins qui leurs sont accordés. La première chose qu’il fit, après
avoir lancé un salut tiède sans chercher à savoir qui l’a entendu, était de
lire attentivement la liste des observations attachée au bout du lit. Il
regarda ensuite l’appareil puis il s’adressa à l’assistant sur un ton sévère:
Remettez un rapport concis à la commission médicale chargée d’effectuer la
dernière phase des soins dans la salle des opérations, afin qu’elle prenne
toutes les dispositions pour l’autopsie, car le cas se rapproche du point de
désespoir et du dernier souffle.
Mon
lit fut conduit à la salle du destin pour que j’y trouve, malheureusement, une
atmosphère d’attente du décès qui plane sur l’endroit et qui obsède les
convictions de ceux qui s’y trouvent. Les membres de la commission étaient surs
au sujet de mon départ, convaincus de ce qu’ils ont réuni comme preuves et
crises. Leurs avis étaient fixés sur ce qu’ils avaient comme indications
médicales et comme termes de mort clinique. Je n’ai même pas vu parmi eux un
seul médecin sage dont la foi le tient à distance de leur accord, ou qui
retrouve la confiance dans le Dieu des mondes. C’était comme si ces derniers ne
savaient pas que la mort est un arrêt de Dieu, à l’instar de la vie, et que
leur créateur est Vivant et Éternel, que Sa clémence contient toutes choses et que
son attention couvre toutes les créatures.
Quant
à moi, tout ce que j’ai senti de l’état où je me trouvais, était le fait d’être
tombé dans un coma d’un genre dont peu de gens reviennent. En général, ce genre
de coma connu dans les milieux médicaux et de la recherche, a l’habitude de
livrer sa victime à la mort inévitable dans une proportion de 98 pour cent.
J’écoutais
leurs débats et j’entendais ce qui était permis et prohibé de leurs paroles,
tout affligé par la misère de leur penchant et de la perversité de leur
doctrine et de leurs discours. Je citais le nom de Dieu en l’implorant, à
l’ombre de Sa miséricorde en répétant il n’y a de force et de puissance qu’en
Dieu le Très Puissant, le Glorieux, tandis que la confiance de revenir à la vie
d’ici-bas envahissait ce qui semblait être mon état aux yeux des insouciants.
Les
gens se sont groupés autour de moi voilés, se penchant au-dessus de mon lit,
tout prêts à intervenir. L’aîné parmi eux s’avança portant un bistouri à la
main droite et dans ses yeux la crainte. Il le mit sur mon torse et au moment
où il s’apprêtait à opérer, mes yeux s’illuminèrent, mon cœur se mit à palpiter,
mes membres se ranimèrent, la santé coula de nouveau dans mes veines et les
médecins furent abasourdis; ils perdirent la boussole, les uns ébahis, les
autres fuyant et ceux à qui que Dieu a accordé Sa miséricorde ont dit Dieu est
le plus grand[1].
La
nouvelle de mon salut se répandit rapidement dans les milieux où ma mort avait
été annoncée; et que Dieu le Très Haut a décidé mon retour au monde de nouveau.
Les étudiants reçurent la nouvelle étonnés; ils essayèrent de l’interpréter et
de l’expliquer à la lumière de ce qu’ils ont appris sur moi et de ce qu’ils
pensent au sujet des questions de la mort et de la vie.
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