Les relations avec
Madame Aurore devinrent plus profondes et chacun de nous se préparait à
exprimer ce qui lui passait par la tête en craignant l’explication franche et
sincère au sujet de ce qu’il ressent dans son for intérieur. La sympathie que
nous ressentions l’un pour l’autre et l’envie de se rencontrer étaient devenus
des choses difficiles à repousser ou à arrêter. Pour ma part, je ressentais une
forte envie de rester à ses côtés, et j’ai même souhaité être très proche
d’elle.
Nos
rencontres se répétèrent et leurs moments et leurs endroits se multiplièrent
jusqu’au jour – un jour férié officiel – dont elle profita pour me rendre
visite à la tête d’un groupe d’étudiants et de collègues dont elle a pris
prétexte pour un dessein qui ne les concerne pas, même s’ils eurent l’occasion
de suivre un dialogue avec moi, et une rencontre sur les rivages des lettres et
de la philosophie.
C’est
ainsi qu’un colloque eut lieu, grâce à Dieu, et quel colloque. Madame Aurore
ouvrit le débat en me posant une question au sujet du doute et de l’épreuve de
la connaissance, sans oublier d’accompagner ses paroles d’un cachet spécial de
sourire et d’amabilité à travers les yeux tantôt et tantôt à travers les
mots doux.
J’ai
répondu aussitôt: La crise du doute est le résultat d’une maladie cognitive,
une honte perceptive, un manque flagrant de capacité et de lumière, un défaut
sérieux de connaissance au sujet de l’apparition des choses et des facteurs qui
poussent à leur existence.
Ce
problème est la mère de toutes les activités intellectuelles qui émanent des
tentatives, du conscient au moyen des recherches sur la réalité de l’existence,
et sur les suppositions possibles de la manière de son apparition. Du sein de
cette réalité, la philosophie est sortie à la lumière, chancelante et titubante.
Comme
le Créateur est un être unique, le Dieu des mondes a décrété que la
connaissance[1]
ne doit avoir lieu que par la voie de Son inspiration et de Sa révélation.
La
révélation est l’inspiration de la Vérité finale, le signe de la miséricorde
divine, l’aspect de l’attention divine. Elle est l’une des nécessités des
relations existant entre l’être et celui qui l’a fait… Sans la révélation,
l’aveuglement se serait répandu, l’égarement et la peur auraient régné et la corruption
se serait étendue.
Rien
ne détourne de la mission, ou de la séparation entre le conscient et la lumière
du conscient, que la perplexité, la peur, le doute, le désespoir, la
mélancolie, la frustration, le découragement et la mauvaise foi[2]. Ce sont là les qualités
du futile, qui le montrent, ses symptômes évidents et ses facteurs réprouvés.
C’est pourquoi, la révélation a été une miséricorde pour les mondes par l’effet
du commencement de chaque Sourate par le Nom de Dieu le Miséricordieux, le Clément.
J’ajouterais
qu’il n’y avait pas de place pour le doute dans l’esprit lorsque la disposition
naturelle était au sommet de sa force et de son activité, de sa santé et de ses
effets… De même, il n’y avait pas de place pour la mauvaise foi, le désespoir,
l’envie pressante ou les lubies malsaines.
Ce
jour-là, les gens étaient une seule communauté[3]. L’humanité a sauvegardé son unité jusqu’au jour où la
corruption est réapparue et qu’elle a constitué en ce faisant une apparition
insolente à laquelle l’esprit n’était pas habitué. Lorsque ce facteur s’est
installé et qu’il s’est mélangé à ses habitudes et à ses qualités et qu’il
s’est collationné avec ses traits[4] et ses mouvements, il a
produit dans l’esprit le trouble et l’inquiétude; il l’a détourné vers le mal,
vers la perversion et la vanité. L’esprit est ainsi devenu perplexe au tournant
des chemins, hésitant au tournant des choses, appréhensif devant l’incompatibilité
des choses, peureux et dans l’expectative, lorsque la rectitude dont il a été
doté à ses débuts de la part de son Dieu a trouvé son contraire et un ennemi
juré qui s’oppose à elle partout.
C’est
de là que le doute est parti, que la mauvaise foi a hurlé, que la peur et la
tristesse ont apparu, que les gens sont devenus, après l’union, des factions
qui se disputent.
Le
dessein de la religion, en tant que miséricorde accordée par le Créateur, le
Très Haut, à toutes les créatures, se focalise sur le point de faire resurgir
cette disposition naturelle en la purifiant de ce qu’elle a subi, de la libérer
de ses défauts, de la soigner de tout ce qu’elle a enduré comme déchirures, désintégration
et égarement. Sur cette base est venu l’appel à Dieu, le Majestueux, via une
vocation purifiée visant à libérer l’esprit des obstacles qui barrent la voie à
sa rectitude[5] et pour la sauver des
calamités qui la font dévier et désespérer, afin qu’il revienne à son image
originelle et à sa nature essentielle, et afin qu’il revienne satisfait à son
parcours premier, pour accompagner la tendance universelle qui pousse toutes
les choses qui existent dans leur soumission à Dieu, leur rectitude vis-à-vis
de Sa grandeur et de Sa volonté, leur louange de Dieu et Sa sacralisation.
«Dis:
Ô vous les ignorants ! Allez-vous m’ordonner d’adorer un autre que Dieu»
(Les Groupes, 64).
S’agissant
de Dieu, loué soit Son nom, la transcendance du Très Haut n’est pas un
éloignement et une rupture avec les créatures, mais une transcendance loin de
la connaissance et des débats des gens.
Le
professeur de psychologie m’adressa une question pertinente: Le goût de la mort
est-il le même pour tous ceux qui le goûtent, ou a-t-il des goûts et des
saveurs différents.
J’ai
répondu: La mort est la même quand elle se produit et la même quand il s’agit
des facteurs qui la réalisent ainsi que des facteurs qui dominent dans son
monde. Mais la mort n’a pas le même goût et la même saveur. Car tandis qu’elle
est suave pour certains, elle est une coloquinte et un chagrin pour d’autres[6].
La
mort a, pour celui qui l’a vécue avant de la rencontrer, un goût et une saveur
différents, sans doute, par rapport à celui qui a vécu sans s’en soucier, sans
en comprendre le sens, et sans s’y préparer.
Le
rappel de la mort diminue les angoisses et son oubli augmente les détresses et
les douleurs.
La
mort est la question qui, lorsqu’on y pense, éclaircit les vérités de l’univers
ainsi que les secrets de l’existence.
C’est
la question des Signes de laquelle Dieu a détourné les incrédules, les
insoumis, les extravagants. Il a réservé Ses bénédictions aux dévots, aux
justes qu’aucun commerce et qu’aucune vente ne détourne du Rappel de Dieu. «Écarte-toi
donc de celui qui tourne le dos à notre Rappel et qui ne désire que la vie de
ce monde. Voilà toute l’étendue de leur science ! Oui, ton Seigneur connaît
parfaitement celui qui s’égare hors de son chemin et il connaît celui qui est
bien dirigé» (L’Étoile, 29-30).
Il
semble que la réponse n’a pas convaincu le professeur, et il a gardé à l’esprit
quelques doutes. Il a demandé quel serait le cas si la question de la mort
était autrement que ce que j’ai démontré et ce que j’ai dit. Je n’ignorais pas
ce qui l’a diverti. Cet homme était connu, en effet, pour chercher toujours les
discussions, les controverses dans les idées et les paroles; il a eu les
symptômes du désarroi et du doute.
J’ai
répondu avec fermeté: Si l’état de la mort n’est pas ainsi, il y a de fortes
chances qu’il le soit[7].
Y-at-il
une autre possibilité valable? Est-il possible qu’il y ait, dans la religion de
la logique, deux possibilités pour une seule vérité?
Puis
comparons entre la possibilité hypothétique et la possibilité qui est un être
et une vérité pour voir laquelle de ces deux possibilités est conforme à l’état
de l’univers en tant que témoin et exemple.
J’ai
poursuivi jusqu’au moment où le professeur cessa de s’accrocher à son point de
vue.
Le
professeur de l’éducation a demandé, à son tour, quel était le sort des
insouciants qui se sont intéressés à des choses qui les ont détournés de la
recherche de la vérité et du droit chemin.
J’ai
répondu: Le Miséricordieux a qualifié ceux qui lui ont désobéi, qui se sont
opposés à Sa loi (Sunna), d’insouciants. Il les a maudits; Il les a avertis
qu’ils auraient à subir les conséquences car ils ont reçu la guidance
nécessaire, qu’ils ont reçu les bienfaits qui rendent responsable et qui
démontrent la Vérité à celui qui le désire. Le conscient n’est là que pour
distinguer entre le bien et son contraire, la vérité et son opposé, la justice
et ce qui s’y oppose, et l’Islam et ce qui le contrarie.
Si
le serviteur avait les moyens de diriger l’attribut du conscient vers son
dessein et ce pour quoi il a été créé, il n’y aurait pas eu de déviation par
rapport au droit chemin et nul n’aurait quitté la voie de la rectitude et de la
religion éternelle.
La
condition la plus importante que l’esprit impose à l’homme raisonnable est
de chercher le droit chemin pour arriver à la vérité. Il connaîtra alors la
vérité de l’âme et son dessein, son origine et sa fonction, son essence et son
message afin d’éviter l’insouciance et la faute, par son attachement à la Sunna
et à la disposition naturelle.
Un
étudiant s’est alors présenté que j’avais l’habitude de voir et de rencontrer à
plusieurs reprises tellement il était attaché à la religion et au rappel de la
mort. Il m’a demandé avec des mots accompagnés d’un flot de larmes qu’il était
incapable de retenir avec ses mains, les laissant, malgré lui s’emparer de son
visage et de ses joues: Ma sœur unique nous a laissés il y a environ deux mois,
et il y avait entre elle et moi une grande amitié et une intimité de sorte
qu’il nous était insupportable d’être séparés un seul jour. Pensez-vous qu’elle
souffre maintenant dans son monde en raison de notre séparation et de son
éloignement?
Le
mort ne souffre pas quand il souffre après une séparation, et ne souffre pas en
raison du désir ardent[8]. Celui qui sort d’un rêve
ne souffre pas suite à la séparation d’avec ceux qui étaient avec lui, et
l’éloignement ne le fait pas souffrir, ni son départ vers un autre monde que le
leur, et la nostalgie ne chauffe pas son cœur. Il a quitté les siens vers
quelque chose de mieux pour lui[9]
Je
me suis adressé à l’étudiant excité en l’avertissant: N’as-tu jamais senti une
fois la peur ou la maladie alors que tu te trouvais parmi les tiens, alors que
leurs sentiments ne servaient pas à assurer ta sécurité, et que leur réunion ne
donnait pas satisfaction au repos de ton âme. Le souci de l’homme dans son
monde est l’état où il se trouve, et son souci dans son travail est d’améliorer
son état en obéissant à son Dieu et en cessant de pêcher.
Le
premier des étudiants et président de leur fédération se leva pour poser une
question comme s’il voulait anticiper la réponse, plein d’entrain et
d’enthousiasme: N’y-a-t-il pas un signe pour les justes qui les distingue afin
de suivre leur exemple et de suivre leurs traces, afin qu’ils soient pour nous
un repère clair et un guide. Car les hommes nous paraissent semblables et leur
vérité nous a été occultée.
J’ai
répondu que le Musulman qui est bon pour la vie future est également bon pour
la vie ici-bas… et n’est bon pour instaurer la vie ici-bas, pour la bâtir et la
gérer, pour diriger ses affaires, que celui qui a eu la faveur d’être valable
pour la vie future, qui l’a recherchée et qui s’y est préparé. C’est là notre
concept islamique de la probité pour celui qui veut s’enquérir et méditer.
Celui
qui est juste parmi les Musulmans est celui qui est bon pour la vie future comme
il l’est ici-bas. S’il perd sa probité ici-bas, ce sera un défaut par rapport à
sa vie future, une entorse à sa religion, une perte de sa valeur, une faiblesse
de sa doctrine, une défaillance dans sa détermination et une imperfection dans
sa mission et la bonne issue est pour les pieux.
[1] La connaissance qui tranquillise l’esprit et le cœur, qui donne la
satisfaction, le contentement et la stabilité et qui instaure la quiétude et la
sérénité.
[2] Voyez comment les gens du monde qui le dominent et qui décident de son
sort, ne peuvent en rien se passer de Dieu. Vous les voyez alors désespérant,
frustrés, saisis de peur, déchirés par le désarroi et n’hésitant pas à se
suicider.
[3] «Les hommes formaient une seule communauté. Dieu a envoyé les Prophètes
pour leur apporter la bonne nouvelle et les avertir» (La Vache, 213). C’est
à dire qu’ils suivaient l’intuition et la révélation n’a eu lieu que lorsqu’ils
ont dévié.
[4] «Vas-tu établir quelqu’un qui fera le mal et qui répandra le sang,
tandis que nous célébrons tes louanges en te glorifiant et que nous proclamons
ta sainteté?» (La Vache, 30).
[5] «Dieu a créé les cieux et la terre en toute vérité. Il y a vraiment là
des Signes pour les croyants» (L’Araignée, 44). La vérité ici, c’est la
rectitude.
[6] Le Très Haut a dit: «Traiterons-nous ceux qui sont soumis à Dieu de la
même manière que les criminels?» (Le Calame, 35). C’est à dire que la
catégorie qui a passé sa vie à s’adresser à Dieu, à être loyale envers Lui,
soumise à son Créateur, vivra la mort d’une manière autre que celle que vivra
la catégorie qui a vécu dans les excès, l’injustice, la corruption, le mal et
l’entêtement. La criminalité est la dépendance à l’égard de l’incrédulité, de
la rébellion et de la perversion. Et celui qui le fait sera châtié.
[7] Dans la réponse, il y a une indication que l’état de la mort tel qu’il a
été décrit et démontré est soutenu par les paroles de l’inspiration, par la réalité
de la vie, par l’expérience de l’esprit et la nature de la souffrance, et avec
comme témoins, tout ce qui existe sur terre. Aucun esprit résistant ne possède
cette possibilité. L’incrédule entêté n’a pas de preuve ni une autre
alternative.
[8] La souffrance de la séparation a lieu aux premières heures du décès
seulement; et ce sont des heures pleines de la peur de la rencontre de celui
qui vient tout seul, et qui fait face aux choses sans armes.
[9] Par référence à l’état du défunt après l’enterrement, lorsque s’ouvre
devant l’âme un long tunnel interminable qui s’étend de la tombe jusqu’à
l’isthme, et ce dernier est un des jardins du Paradis ou un des trous du Feu.
Le Messager de Dieu a dit: «La tombe est un des jardins du Paradis ou un des
trous du feu».
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