mercredi 31 juillet 2013

Des Douleurs et des Rêves&La Fuite vers le Destin



Des Douleurs et des Rêves

          Un rêve douloureux m’a poursuivi trois nuits de suite sans modification quelconque de son image, de son contenu ou de sa signification. Il m’est apparu, à chaque fois, amer et effroyable, ce qui m’a fatigué, qui m’a empêché de fermer les yeux, qui m’a troublé les idées. Il a continué à me faire peur, disposant des changements de mon état jusqu’au moment où j’ai imploré la grâce de Dieu pour m’en débarrasser. Je ne me suis pas arrêté là. J’ai décidé de faire face à une situation ardue et je me suis préparé à la rencontre de la conclusion et du destin. La répétition à trois reprises du rêve n’était pas plus qu’un avertissement ferme mais qui n’évite point le danger imminent. Mais ma connaissance de l’éternité du Très Haut, de Son attention, de Sa grâce et de Ses soins, m’a donné suffisamment de tranquillité pour supporter la douleur qui arrive ou son changement d’un cas inéluctable en un cas possible, laissant au Très Haut le soin de décider de le garder ou de l’effacer. Car Lui seul dans tout l’univers peut décider et juger[1].

          Je n’avais pas peur pour mon âme, je craignais plutôt que la mort n’arrive avant d’avoir rempli ma mission et d’avoir exposé la vérité… Je craignais la fin avant d’avoir réalisé mon souhait, celui de rassembler les peuples autour du droit chemin de l’Islam.

          J’ai vu dans mon rêve le corps de ma mère à l’horizon lointain, m’ignorant, puis se retournant et accourant à toute vitesse vers moi et lorsque le corps fut sur le point de me toucher et de se coller à moi, il commença à me montrer à quel point je lui manquais, puis il dit d’une voix attristée accompagnée de soupirs:

          Deux coups sur la tête, mon fils, l’un mortel et l’autre très douloureux; l’un pour toi et l’autre pour Kifah. La mère s’est alors retirée tout en me fixant des yeux pour disparaître ensuite à l’horizon. Je me suis réveillé tout effrayé, mon cœur et mon esprit pleins de soucis. Il en fut ainsi toute la journée que je vécus sans repos.

          J’étais, malgré la folie de la nuit et de l’épaisseur de l’obscurité, sans sommeil, inquiet jusqu’à une heure très avancée de l’après minuit. Le sommeil finit par l’emporter et je me suis trouvé, de nouveau devant le rêve. C’était comme si ma visite lui a plu et qu’il cherchait à me provoquer. J’ai vu une deuxième fois ce que j’ai vu au début et je me suis réveillé dans le même état. J’ai senti une douleur et une tristesse doubles. Ma crainte s’est confirmée, mes circonstances se sont assombries et j’étais tout près de la catastrophe. La nuit tomba une troisième fois. Je suis tombé dans un sommeil profond après une longue insomnie. J’ai alors rencontré le même rêve, sans modification aucune. Je me suis mis à dire «Dieu est le plus grand», envahi par la peur. Ce rêve m’a abasourdi et je ne savais plus comment l’arrêter et comment l’écarter. J’ai perdu ma boussole et je ne savais plus où me réfugier, comme s’il s’était agi d’une décision ferme et d’un sort inéluctable.

          J’avais la conviction que cette situation était la compagne de mon jour et de ma nuit, qu’elle ne me quitterait que lorsque sera réalisé ce qui se passe la nuit et que je reçoive le jour ce que je reçois la nuit.

La Fuite vers le Destin

          Ce rêve s’est accroché à mon esprit; il a établi son règne en mon être. Il m’a écarté de certaines de mes habitudes et il m’a distrait de beaucoup de me aspirations. Il m’a poussé à me préparer à rendre compte, à la discussion et à méditer au sujet de ce que je serais après le départ. Je me suis mis alors à implorer Dieu le Très Haut pour prolonger ma vie jusqu’à ce que je termine ma mission, que je remette en ordre mes positions, et que je passe en revue mes opinions et mes sentiments. En effet, le voyage est long et dur, les provisions modestes, et entreprendre ce qui est possible est l’affaire des croyants et des justes, et le plan des bienfaiteurs[2]. Aucune provision ne sert durant le voyage ni aucune action à moins qu’elles ne bénéficient de la clémence de Dieu, de Sa générosité et de Sa charité[3].

          Après une belle journée que mon état m’a empêché d’en voir la clarté et que mes soucis m’ont empêché d’en goûter la beauté, et pendant que j’étais en train de revoir mon ego, mes actions et mes qualités et de contrôler mon cas vis-à-vis de mon Dieu, j’ai eu l’idée de la visite de mon ami intime Kifah[4]. S’il le fait, les éléments du rêve seraient réunis et ce que nous évitons et ce qui est inévitable se réalisera. Je suis entré dans le jardin dans l’espoir d’y trouver une sérénité mais en vain. Mon ami avait l’habitude de s’y rendre et de se promener dans ses allées. J’ai décidé de continuer à marcher vers une région éloignée où je ne vois personne et où personne ne me voit. Dans ma tête se passait une guerre atroce qui a failli briser mon cerveau et mon âme. Je suis devenu un déserteur vis-à-vis de ma mort qui vient malgré tout, et j’étais sur le point de reprocher à ma conscience la lâcheté dont elle a fait preuve, lorsque l’idée me vint qu’il s’agissait plutôt de la détermination à accomplir la mission, à remettre le gage et à s’assurer du parcours de l’Islam. Je continuais à penser jusqu’au moment où j’ai décidé de revenir à la maison où Kifah serait en train de m’attendre.

          Je revins sur mes pas, en suivant le même chemin et en marchant sur mes trace. Après quelques pas, un autocar de l’Université destiné aux excursions, s’est arrêté en face de moi. Il retournait d’une excursion d’études à la zone des vestiges archéologiques. Il n’y avait dedans qu’un nombre réduit d’étudiants ne dépassant pas les dix. Le conducteur en descendit et il se dirigea vers moi. Le plaisir de me rencontrer l’enthousiasmait, et la belle surprise éclairait ses yeux. Il était l’un des mes partisans sincères et l’un de mes partisans fanatiques. Il a insisté, après l’accolade, pour m’accompagner jusqu’à chez moi. Je me suis excusé prétextant que la marche est un hobby pour moi et un sport que je pratique quotidiennement. Toutefois, et pour une raison que le Très Haut a décidée, il a dépassé ce que je connaissais de lui, car jamais je ne l’ai connu aussi insistant. Je me suis mis à réfléchir puis j’ai levé la tête et il jeta dans mes yeux un regard plein d’espoir et il dit: Je vous prie, docteur.

          J’ai senti que j’étais pris sur le champ et que quelque chose devait inévitablement arriver. Je lui répondis en silence et favorablement alors que ma langue continuait à citer le nom de Dieu le Très Haut, et que l’esprit était préoccupé par ce qui allait arriver.

          Le véhicule se mit en route à toute vitesse pour s’arrêter quelques minutes après sans que je sache pour quelle raison. J’étais plongé dans ma peine, éloigné du monde par mon cas, cet état que le conducteur n’a pas deviné et qui n’a pas eu d’effet sur lui. Il avait aperçu quelqu’un qui lui faisait signe de loin. Il m’a demandé, avec dans ses yeux, l’espoir de me voir accepter: Monsieur le docteur me permettra-t-il de le prendre avec nous? J’ai répondu immédiatement avec le sourire: La bénédiction sur vous mon frère, c’est un être bien et c’est là une des dispositions naturelles des Musulmans. C’était comme si je lui avais fourni une poussée d’enthousiasme extrême. Il sauta à terre accueillant et criant: C’est la deuxième bonne surprise de ma journée, bienvenu mon frère Kifah. Dès qu’il eut prononcé le dernier mot, ce fut comme s’il avait tiré un coup sur ma vie, ou comme s’il faisait signe aux anges de la mort dans ma direction. Je me suis retenu et j’ai essayé de freiner mes sensations et le rythme effréné des battements de mon cœur. J’ai pensé à la possibilité que ce nom pouvait appartenir à quelqu’un d’autre que mon ami. J’ai fait un effort pour changer d’attitude et pour me cacher vis-à-vis de ce qui m’entoure et qui tourne autour de moi. J’ai jeté un regard furtif vers le bas et je l’ai aperçu. En le voyant, ma tête s’est fendue, mes yeux ont tourné, j’ai senti un frisson qui a failli me faire tomber de mon siège et me jeter en dehors du véhicule. Puis je suis redevenu comme quelqu’un qui n’existe pas et qui ne sait pas où aller.



[1] Dieu a dit: «Dieu efface ou confirme ce qu’il veut. La Mère du Livre se trouve auprès de lui» (Le Tonnerre, 39). 
[2] «La miséricorde de Dieu est proche de ceux qui font le bien» (Al-‘Araf, 56).  
[3] C’est ce que le Messager de Dieu a toujours répété dans ses prières: «… par votre miséricorde ô mon Dieu et non par mes actions» Car le serviteur, même s’il fait l’effort nécessaire, ne pourra jamais rendre à Dieu Ses bienfaits, et ce qu’il doit à son égard. La faiblesse est un trait de l’homme et la miséricorde une qualité du Miséricordieux.
[4] Cette visite n’est pas improbable ou étrange de sa part car nous nous rendons visite souvent.

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