mercredi 31 juillet 2013

Frayeur dans la Ville



   La presse s’est emparée de l’affaire de ma résurrection; les professionnels des media, des programmes de télévision et des chaînes satellitaires adoptèrent une attitude loin de la réalité, utilisant beaucoup de rembourrure et d’imagination, y ajoutant ce que leur ignorance leur dictait et ce que leur imagination leur fournissait alors qu’ils ne savaient pas.

          La source qui alimentait les media en matières et en rapports faux qui ont fait dévier les gens de la Vérité et qui ont aveuglé leurs yeux, cette source-là était la frayeur qui s’est répandue en un flot qui a dispersé les masses rassemblées et les étudiants qui attendaient curieux à l’entrée des routes, au milieu des places publiques, menant à l’hôpital.

          Quelques minutes auparavant, les masses nerveuses avaient reçu la nouvelle de mon décès après que j’ai rendu le dernier souffle et que mon âme était sur le point de me quitter. Deux minutes plus tard seulement cette nouvelle fut suivie par une autre qui écartait tout espoir. La mort clinique avait été officiellement annoncée par le docteur Bayane al-Dine al-Qaêm, et il a été dit que l’autopsie du cadavre avait commencé sur le champ.

          Dans cette circonstance triste et alors que les regards étaient fixés, les yeux de certains mouillés, les oreilles distraites, les cœurs blessés et les masses soumises à ce que le Dieu de la terre et du ciel a décidé, un déluge assourdissant de bruit et de désordre parvint aux oreilles de ceux qui attendaient, en provenance de l’hôpital, suivi immédiatement de cris perçants et de voix, de Dieu est le plus grand, partis de tous les recoins de l’endroit vers l’extérieur pour percer les ouies des foules rassemblées et pour attirer l’attention des gens qui observaient. Un déluge de frayeur envahit tout ce qui était sur son chemin, et le séisme de la peur emporta tout ce qui restait comme gens raisonnables, comme patients sérieux, sages et réalistes qui ne cèdent pas aux illusions et qui ne comptent pas sur les rumeurs des gens. Ceux-ci ont été saisis de crainte et d’étonnement. Ils se sont trouvés perdus dès que leurs regards se sont posés sur moi, brillant de santé, en forme, habillé de blanc, sortant des urgences sans que nul n’ose me suivre ou me faire face.

          Cette scène grave ajoutée à la peur, ainsi que le facteur de surprise qui s’est abattu sur ceux qui se contentaient des rapports, qui étaient sûrs du décès et qui suivaient les étapes du traitement, voire qui supervisaient toutes ces étapes… Tout cela était suffisant pour susciter la crainte, pour la diffuser et pour perdre le contrôle de ses horizons. Les circonstances de l’accident, ses détails et ses développements, n’ont laissé à l’homme sage aucune chance pour retrouver le droit chemin. La vérité de ce qui s’est produit est restée une affaire divine, gérée seulement, après Dieu, par moi. Ceci a soulevé la curiosité des gens et a renforcé leur désir de savoir ce qui se cache derrière cet événement qui rend perplexe. Les cinéastes ont accouru ainsi que les romanciers et les scénaristes, les poètes et les hommes de lettres, et les chercheurs. Les médecins me rendaient visite, les experts cherchaient à obtenir mes déclarations, les notables et les grands cherchaient à gagner ma sympathie. Je leur donnais des bribes de mes observations et un menu fretin de ce qui s’est passé. J’ai déclaré ensuite à tous ceux que cela intéressait que je m’adresserais à eux le moment venu et je leur ai donné rendez-vous avec la vérité.

          À la date prévue, qui a précédé le temps et dépassé les limites de l’endroit, j’étais debout haranguant les masses houleuses, sous une pluie de rayons et de lumière provenant des appareils et des caméras qui se bousculaient.

Le Discours

          Au nom de Dieu le Clément, le Miséricorde. Loué soit Dieu, le Seul, l’Unique, qui a les beaux noms.

          La mort est le Signe du Vivant[1] et le traducteur de la vie[2]; le phare de la réflexion[3], le pionnier de la contemplation[4], le correcteur du parcours[5], le purificateur du fond du cœur[6], l’inspirateur du droit chemin[7], celle qui disperse le mirage[8], qui corrige les habitudes[9] et qui guide la volonté[10].

Il n’y a pas de sécurité et de stabilité pour la vie sans la mort, car ce sont là deux émules qui s’entendent et deux frères même s’ils se contredisent. «Tel est le décret du Tout-Puissant, de celui qui sait» (Ya.Sin., 38). 

Si la Vérité avait obéi à leurs désirs, si elle avait adopté leurs opinions, les cieux et la terre se seraient corrompus, l’univers aurait disparu ainsi que l’existence.

Imaginer l’inexistence de la mort ne peut aboutir qu’au règne du désordre et à l’anéantissement du sens des choses, de leurs limites, de leurs significations. La chose et son contraire, la nuit et le jour, l’obscurité et la lumière, le bien et le mal, l’équité et l’injustice, la levée de la balance, les méfaits et les bienfaisances, l’incrédulité et la foi, le doute et la conviction, se seraient retrouvés égaux et semblables.

Avec la mort, la vie se renouvelle, le temps se concrétise[11], l’endroit retrouve la santé. La non existence de la mort ne passe pas dans l’esprit, et son existence est digne de la sagesse du Créateur. Rien d’autre  ne guide vers la Vérité. Réfléchissez à ses affaires autant que possible, et arrêtez-vous devant ses significations. Une question d’une telle valeur et d’une telle importance mérite que nous la vivions, que nous la joignions à notre état, que nous l’examinions. Car il est à craindre qu’en haïssant la mort vous ne l’ignoriez. Si vous l’ignorez, vous vous séparez de votre vie, vous perdez votre repos, vous perdez la sécurité de vos âmes, vous devenez des perdants. J’ai ensuite exposé ce qui m’est arrivé avec mon approche de la mort, depuis le choc jusqu’au moment de la sortie, sans rien oublier comme explications et interprétations à livrer aux auditeurs étonnés.



[1] La mort est la preuve de la nécessité qu’il y ait un Vivant Éternel avant les choses destinées à mourir, c.à.d. avant l’univers et les créatures. Il est, en échange, le témoin de sa pérennité après leur disparition, sinon, celles-ci auraient perdu leur équilibre et leurs bases et elles auraient vu leurs piliers détruits.
[2] La mort est un traducteur fidèle des symboles de la vie et de ses aspects, un interprète de ses états et de ses changements, de ses éléments et de ses relations. Une justification sage de son existence dans sa nature, dans sa poursuite et dans son passage vers sa fin. Elle n’est comprise qu’à travers la mort. Toute étude ou recherche dans les profondeurs de la vie qui ne prend pas en considération le facteur de la mort reste une tentative vaine qui n’a aucune chance d’aboutir et qui reste inutile.
[3] Celui qui réfléchit et qui ne saisit pas le sens de la mort manqué de comprendre le sens de la vie et sa vie devient misérable.
[4] La première preuve des vrais sens de la vie est la mort, et il n’y a pas de bonheur dans la vie sans comprendre la mort.
[5] Celui qui se rappelle que la mort est la fin de sa vie et que sa vie a pour bases les actions et les qualités, celui-là à une situation qui va dans le bon sens. 
[6] La mort élimine les mauvaises habitudes, les mauvaises intentions. 
[7] Celui qui s’habitue à citer la mort a saisi la vérité de la vie et il la vit heureux.
[8] La mort est un destructeur spirituel et psychique de toutes les formes de vanité, d’illusion, de fausseté et de d’aberration.
[9] La mort purifie l’âme des habitudes néfastes; elle en corrige les orientations; elle en développe les choix et elle en rejette les méfaits.
[10] La mort dirige la volonté vers le droit chemin; elle lui apprend la Vérité; elle lui prend la main pour la conduire vers la lumière.
[11] S’il n’y avait pas la mort, les normes du temps auraient été inexistantes et les limites du temps auraient disparu. Les pas des êtres vont entre la force et la faiblesse jusqu’à un objectif qui est la mort. Sans la mort, il y aurait eu le désordre. C’est plutôt la corruption de l’univers. La mort des choses et la croyance en elle conduit à sa réalité et à sa vérité, mais elle constitue une nécessité de croyance parmi les nécessités de la foi et l’éternité du Très Haut.

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