La
surprise s’empara de moi dans la salle des soins intensifs dans un hôpital
autre que celui où j’ai été amené lors du premier accident. J’ai été saisi, dès
que j’y suis entré, par un sentiment farouche que je la connaissais, non pas en
tant que salle seulement, mais parce que j’ai eu l’occasion de connaître ses
héros, ses couleurs et ses murs, ses sièges et ses instruments. Je me suis
trouvé en train de penser à l’ambiance d’une scène que j’ai vue auparavant,
d’un événement que j’ai vécu, que je passe aujourd’hui de nouveau après l’avoir
passé précédemment, et à des circonstances que je subissais de nouveau après
les avoir goûtées et subies une première fois… C’est là, loué soit le nom de
Dieu, une vérité éclatante et un événement qui se répète. J’étais capable de
relater des détails qui n’ont pas encore eu lieu… Bientôt, la table qui se
trouve dans le coin de gauche va se retourner… Dieu est le plus grand. Voilà la
table qui se retourne. Une assistante brune, grande de taille, va se diriger
vers la table… Ô mon Dieu, l’assistante est venue en personne… et le médecin
debout derrière ma tête va refuser de permettre au doyen de l’université
d’entrer dans ma chambre.
Béni
soit mon Dieu le Très Haut ! Ce que je disais comme prévision se produit
selon mon pressentiment et selon ce qui s’est gravé dans mon conscient. Il n’y
a donc pas de doute que je suis au beau milieu d’un état qui était le mien et
que j’ai vécu, et d’un endroit que j’ai vu et que j’ai connu, mais en un autre
temps.
Mes
pensées m’ont promené en l’air sans aller loin, car je fus bientôt guidé par la
lumière du visage de Dieu le généreux qui a dénoué les symboles de mon cas et
du phénomène troublant.
Ce
phénomène dont les chercheurs et les soi-disant philosophes et autres ont
ignoré les significations et que la plupart ont mal interprété.
La
parole de Dieu le Très Haut est venue éclairer mon conscient, me porter
secours, dans le verset 42 de la Sourate des Groupes[1]. Ma perplexité se dissipa
ainsi que ma peur et je fus tranquille. La miséricorde de mon Dieu m’a montré,
et elle a montré que ce que j’ai subi comme douleurs et souffrances et comme
similitude dans les deux accidents, était une affaire de conscient, émanant de
son pouvoir, et de ses activités dans l’un des rêves qu’elle a vécu, et qu’elle
n’a pas émis au cerveau pour s’en souvenir. C’est pourquoi ces rêves sont
restés oubliés et cachés. Les rêves qui ont le plus de substance et dont le
sens est ardu pour l’homme, sont ceux dont nous ne nous souvenons pas en nous
réveillant, comme si nous n’avions rien vu ni rêvé. Ceci n’est pas une
disposition naturelle du conscient, ni un de ses traits habituels ou connus.
Le
Dieu des mondes a voulu faire oublier ces rêves comme sédition. Il a voulu les
laisser comme épreuves et en faire un signe évident[2].
Le
noble verset indique que la mort a eu lieu deux fois dans la vie de l’homme[3], et que la première[4], est un témoin complet de
la dernière, dans son état et sa manière.
Dans
les deux cas, le conscient se sépare du corps, et s’il reste à côté, il s’agira
d’une vision inhérente[5]. Si le conscient le
délaisse il y a la mort… les deux cas s’appellent décès. Le décès signifie la
séparation du conscient et du corps seulement, il ne veut pas dire mort. Cet
événement grave et cette grande nouvelle ne sont concernés en vérité et ils ne
sont exprimés que par l’entrée dans un monde autre que le monde et une vie
différente de la vie.
J’ai
alors compris que l’une des deux scènes était une vision et l’autre une
réalité. Il est devenu clair pour moi, en outre, que l’âme n’a pas besoin du
corps pour vivre une vie pleine… du fait que la scène et le cas sont une vision
semblable à la scène et au cas qui sont une réalité… comme s’ils étaient une
même chose, même s’ils sont apparus deux fois comme une répétition.
Toutefois,
la surprise ne s’arrêta pas là. La médecine s’est montrée incapable devant mon
cas et elle s’en est éloignée. Selon cette dernière, j’avais atteint le plafond
de la mort clinique et j’avais touché les seuils du décès. Que ma présence aux
portes de la mort ne va pas tarder et qu’elle ressemblait à mon entrée dans son
monde où je rejoindrais les gens qui s’y trouvent.
Elle
était extraordinaire et effrayante à la fois cette impression intime qui m’a
envahi et qui indiquait que la mort que nous fuyions et que nous repoussons
est, en fait, un événement que nous allons vivre, qu’elle ressemble sans doute
à un événement que nous avons vécu, à un rêve que nous avons vu, à un accident
que nous avons passé, à une vision que nous avons oubliée, à une évidence qui a
passé devant nous, à un signe que nous avons rencontré[6] et dont nous nous sommes
détournés…
La
méfiance ne sauve pas de ce qui est décrété, et la peur ne sauve pas de
l’inéluctable. La grande surprise a été… que la mort que nous craignons porte
de nombreux secrets et des nouvelles sismiques excitantes. Toutefois, elle ne
porte rien des caractéristiques de la surprise[7]. Béni soit le faiseur de
toutes causes, celui qui a descendu le Livre, le Roi et la Vérité évidente.
Ce
qui a attiré mon attention lors des douleurs et des recherches et
investigations, et ce qui s’est entremêlé dans mon âme comme aspirations et
souffrances et comme craintes et connaissances, c’était la disparition du doute
et le fait d’échapper au conflit des choses et au choc des contraires[8].
J’ai
vu la vie et j’ai connu la réalité sur les aspects du recul du doute au point
que rien ne pouvait empêcher de reconnaître la Vérité. Les vérités des choses
paraissent fixes contrairement à ce qui est connu d’elles aux yeux des gens de
ce monde, car la vérité apparaît à la majorité, et elle paraît pour les
insouciants qui s’en détournent comme si elle avait deux visages dont chacun se
divise en deux. Ils hésitent et ils doutent, ils s’engagent dans leurs
illusions et ils passent la vie perplexe sans que nul ne s’en préoccupe.
J’ai
vu les obsessions reculer, ce qui a maîtrisé la sédition et éteint la
philosophie. J’ai cessé d’être inquiet ou d’avoir besoin de poser des
questions. Le Démon était parti, il a évacué ses positions dans le monde de
l’homme. Les choses sont rentrées dans l’ordre et elles se sont remises au Dieu
de la terre et du ciel.
J’ai
compris que la modération des images matérielles et des normes terrestres dans
l’esprit dépend du fait que le monde est seulement matériel. Si ce monde devient
différent, il perd les facteurs de sa modération avec la matière. Il n’a plus
de raison de conserver cette matière, d’en arranger les affaires et il devient
comme s’il ne contenait rien. Et il n’a plus d’existence. Dans le monde de
l’âme, la raison devient autre chose que la raison et sa fonction devient autre
chose que sa fonction[9].
J’ai
eu en mon for intérieur une conviction ferme qui s’est mise à envahir mon cœur
et ma conscience et qui m’a attiré. Je me suis mis à la méditer et à
l’examiner. Elle était claire et elle parlait sans voix ni langue:
Lorsque
tu veux et tu peux, tu es dans la vie ici-bas.
Et
lorsque tu veux et tu ne peux pas, tu es aux seuils de la mort.
Lorsque
tu ne veux pas et tu ne peux pas, tu es mort et tu apparais pour l’accueil[10].
Et
quand tu ne veux pas, tu ne veux que le bonheur et encore du bonheur, tu es au
Paradis.
Et
quand tu veux et tu ne veux pas, tu ne reçois que la misère et les maux, et tu
ne vis que la grande souffrance et tu es au feu.
[1] «Dieu accueille les âmes au moment de leur mort; il reçoit aussi
celles qui dorment, sans être mortes. Il retient celle des hommes dont il a
décrété la mort. Il renvoie les autres jusqu’à un terme irrévocablement fixé.
Il y a vraiment là des Signes pour un peuple qui réfléchit» (Les Groupes,
42).
[2] C’est le signe que la vie continue après la mort malgré la séparation de
l’âme et du corps. Le conscient qui est le pilier de l’âme s’est séparé du
corps et il a vécu un accident complet avec le corps. Puis il a vécu cet
accident une deuxième fois, avec le corps. Il a été ainsi confirmé que la vie
ne dépendait pas uniquement du monde terrestre matériel et que le corps n’en
est pas une condition.
[3] «Ils diront: Notre Seigneur ! Tu nous a fait mourir deux fois et
deux fois tu nous a fait revivre. Nous reconnaissons nos péchés; existe-t-il
un chemin pour sortir d’ici» (Celui
qui Pardonne, 11).
[4] C’est à dire le décès du sommeil lorsque le conscient se sépare du corps
au moment de la vision en question.
[5] Elle est appelée ainsi car elle est dans les plissements du conscient et
qu’elle n’apparaît que lors de l’accident et de l’éveil, lorsque l’être a
l’impression qu’il vit l’accident deux fois. Il s’agit là d’une vision qui
était une chimère puis a paru. «Seul se souvient de lui celui qui revient
repentant vers lui» (Celle qui Pardonne, 13). C'est-à-dire que celui qui se
remet à la guidance du Très Haut en découvre les secrets.
[6] «Que de Signes contiennent les cieux et la terre ! Les hommes
passent auprès d’eux et s’en détournent» (Joseph, 105).
[7] La mort est une surprise pour les incrédules, les athées, les égarés et
les insouciants qui se détournent, seulement. Ceux-ci sont surpris, lorsqu’ils
trouvent en mourant, combien il était facile pour eux d’obéir et qu’ils ont désobéi;
de voir et d’être restés aveugles; d’entendre et d’être restés sourds, de
regarder et de s’être détournés, et d’être droits et ils se sont prétendus
malades. «… Ou que vous disiez le Jour de la Résurrection nous avons été
pris au dépourvu» (Al-‘Araf, 172).
[8] Avec la fin du doute, l’hésitation, la crainte et la méfiance se dissipent
avec ce qu’ils font subir à l’âme comme maux et comme mélancolie. L’homme
échappe alors au problème ardu de rester entre la chose et son contraire. Car
le monde a maintenant un seul visage étendu sur toute la vie et se reflétant
sur la nature de l’âme.
[9] C’est là une intuition. En effet, la raison de l’être
actif, libre, jouissant du libre arbitre, réactif, est inévitablement
différente de la raison de l’être passif qui réagit aux influences d’autrui,
qui a perdu sa liberté et la volonté de choisir pour lui-même. Ainsi, la
fonction de la raison change-t-elle avec la raison et s’adapte à ce qui lui
convient et qui l’accompagne.
[10] La vie de l’isthme consiste à recevoir l’âme en fonction de ses actions et
de sa réaction aux effets de ses actes. «… Celui qui commet une mauvaise
action ne sera rétribué que par un mal équivalent» (Celui qui pardonne,
49). Le pouvoir de l’âme est paralysé et sa volonté démissionnaire.
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