mercredi 31 juillet 2013

La Surprise


          La surprise s’empara de moi dans la salle des soins intensifs dans un hôpital autre que celui où j’ai été amené lors du premier accident. J’ai été saisi, dès que j’y suis entré, par un sentiment farouche que je la connaissais, non pas en tant que salle seulement, mais parce que j’ai eu l’occasion de connaître ses héros, ses couleurs et ses murs, ses sièges et ses instruments. Je me suis trouvé en train de penser à l’ambiance d’une scène que j’ai vue auparavant, d’un événement que j’ai vécu, que je passe aujourd’hui de nouveau après l’avoir passé précédemment, et à des circonstances que je subissais de nouveau après les avoir goûtées et subies une première fois… C’est là, loué soit le nom de Dieu, une vérité éclatante et un événement qui se répète. J’étais capable de relater des détails qui n’ont pas encore eu lieu… Bientôt, la table qui se trouve dans le coin de gauche va se retourner… Dieu est le plus grand. Voilà la table qui se retourne. Une assistante brune, grande de taille, va se diriger vers la table… Ô mon Dieu, l’assistante est venue en personne… et le médecin debout derrière ma tête va refuser de permettre au doyen de l’université d’entrer dans ma chambre.

          Béni soit mon Dieu le Très Haut ! Ce que je disais comme prévision se produit selon mon pressentiment et selon ce qui s’est gravé dans mon conscient. Il n’y a donc pas de doute que je suis au beau milieu d’un état qui était le mien et que j’ai vécu, et d’un endroit que j’ai vu et que j’ai connu, mais en un autre temps.

          Mes pensées m’ont promené en l’air sans aller loin, car je fus bientôt guidé par la lumière du visage de Dieu le généreux qui a dénoué les symboles de mon cas et du phénomène troublant.

          Ce phénomène dont les chercheurs et les soi-disant philosophes et autres ont ignoré les significations et que la plupart ont mal interprété.

          La parole de Dieu le Très Haut est venue éclairer mon conscient, me porter secours, dans le verset 42 de la Sourate des Groupes[1]. Ma perplexité se dissipa ainsi que ma peur et je fus tranquille. La miséricorde de mon Dieu m’a montré, et elle a montré que ce que j’ai subi comme douleurs et souffrances et comme similitude dans les deux accidents, était une affaire de conscient, émanant de son pouvoir, et de ses activités dans l’un des rêves qu’elle a vécu, et qu’elle n’a pas émis au cerveau pour s’en souvenir. C’est pourquoi ces rêves sont restés oubliés et cachés. Les rêves qui ont le plus de substance et dont le sens est ardu pour l’homme, sont ceux dont nous ne nous souvenons pas en nous réveillant, comme si nous n’avions rien vu ni rêvé. Ceci n’est pas une disposition naturelle du conscient, ni un de ses traits habituels ou connus.

          Le Dieu des mondes a voulu faire oublier ces rêves comme sédition. Il a voulu les laisser comme épreuves et en faire un signe évident[2].

          Le noble verset indique que la mort a eu lieu deux fois dans la vie de l’homme[3], et que la première[4], est un témoin complet de la dernière, dans son état et sa manière.

          Dans les deux cas, le conscient se sépare du corps, et s’il reste à côté, il s’agira d’une vision inhérente[5]. Si le conscient le délaisse il y a la mort… les deux cas s’appellent décès. Le décès signifie la séparation du conscient et du corps seulement, il ne veut pas dire mort. Cet événement grave et cette grande nouvelle ne sont concernés en vérité et ils ne sont exprimés que par l’entrée dans un monde autre que le monde et une vie différente de la vie.

          J’ai alors compris que l’une des deux scènes était une vision et l’autre une réalité. Il est devenu clair pour moi, en outre, que l’âme n’a pas besoin du corps pour vivre une vie pleine… du fait que la scène et le cas sont une vision semblable à la scène et au cas qui sont une réalité… comme s’ils étaient une même chose, même s’ils sont apparus deux fois comme une répétition.

          Toutefois, la surprise ne s’arrêta pas là. La médecine s’est montrée incapable devant mon cas et elle s’en est éloignée. Selon cette dernière, j’avais atteint le plafond de la mort clinique et j’avais touché les seuils du décès. Que ma présence aux portes de la mort ne va pas tarder et qu’elle ressemblait à mon entrée dans son monde où je rejoindrais les gens qui s’y trouvent.

          Elle était extraordinaire et effrayante à la fois cette impression intime qui m’a envahi et qui indiquait que la mort que nous fuyions et que nous repoussons est, en fait, un événement que nous allons vivre, qu’elle ressemble sans doute à un événement que nous avons vécu, à un rêve que nous avons vu, à un accident que nous avons passé, à une vision que nous avons oubliée, à une évidence qui a passé devant nous, à un signe que nous avons rencontré[6] et dont nous nous sommes détournés… 

          La méfiance ne sauve pas de ce qui est décrété, et la peur ne sauve pas de l’inéluctable. La grande surprise a été… que la mort que nous craignons porte de nombreux secrets et des nouvelles sismiques excitantes. Toutefois, elle ne porte rien des caractéristiques de la surprise[7]. Béni soit le faiseur de toutes causes, celui qui a descendu le Livre, le Roi et la Vérité évidente.

          Ce qui a attiré mon attention lors des douleurs et des recherches et investigations, et ce qui s’est entremêlé dans mon âme comme aspirations et souffrances et comme craintes et connaissances, c’était la disparition du doute et le fait d’échapper au conflit des choses et au choc des contraires[8].

          J’ai vu la vie et j’ai connu la réalité sur les aspects du recul du doute au point que rien ne pouvait empêcher de reconnaître la Vérité. Les vérités des choses paraissent fixes contrairement à ce qui est connu d’elles aux yeux des gens de ce monde, car la vérité apparaît à la majorité, et elle paraît pour les insouciants qui s’en détournent comme si elle avait deux visages dont chacun se divise en deux. Ils hésitent et ils doutent, ils s’engagent dans leurs illusions et ils passent la vie perplexe sans que nul ne s’en préoccupe.

          J’ai vu les obsessions reculer, ce qui a maîtrisé la sédition et éteint la philosophie. J’ai cessé d’être inquiet ou d’avoir besoin de poser des questions. Le Démon était parti, il a évacué ses positions dans le monde de l’homme. Les choses sont rentrées dans l’ordre et elles se sont remises au Dieu de la terre et du ciel.

          J’ai compris que la modération des images matérielles et des normes terrestres dans l’esprit dépend du fait que le monde est seulement matériel. Si ce monde devient différent, il perd les facteurs de sa modération avec la matière. Il n’a plus de raison de conserver cette matière, d’en arranger les affaires et il devient comme s’il ne contenait rien. Et il n’a plus d’existence. Dans le monde de l’âme, la raison devient autre chose que la raison et sa fonction devient autre chose que sa fonction[9].

          J’ai eu en mon for intérieur une conviction ferme qui s’est mise à envahir mon cœur et ma conscience et qui m’a attiré. Je me suis mis à la méditer et à l’examiner. Elle était claire et elle parlait sans voix ni langue:

          Lorsque tu veux et tu peux, tu es dans la vie ici-bas.

          Et lorsque tu veux et tu ne peux pas, tu es aux seuils de la mort.

          Lorsque tu ne veux pas et tu ne peux pas, tu es mort et tu apparais pour l’accueil[10].

          Et quand tu ne veux pas, tu ne veux que le bonheur et encore du bonheur, tu es au Paradis.

          Et quand tu veux et tu ne veux pas, tu ne reçois que la misère et les maux, et tu ne vis que la grande souffrance et tu es au feu.



[1] «Dieu accueille les ­âmes au moment de leur mort; il reçoit aussi celles qui dorment, sans être mortes. Il retient celle des hommes dont il a décrété la mort. Il renvoie les autres jusqu’à un terme irrévocablement fixé. Il y a vraiment là des Signes pour un peuple qui réfléchit» (Les Groupes, 42).
[2] C’est le signe que la vie continue après la mort malgré la séparation de l’âme et du corps. Le conscient qui est le pilier de l’âme s’est séparé du corps et il a vécu un accident complet avec le corps. Puis il a vécu cet accident une deuxième fois, avec le corps. Il a été ainsi confirmé que la vie ne dépendait pas uniquement du monde terrestre matériel et que le corps n’en est pas une condition.
[3] «Ils diront: Notre Seigneur ! Tu nous a fait mourir deux fois et deux fois tu nous a fait revivre. Nous reconnaissons nos péchés; existe-t-il un  chemin pour sortir d’ici» (Celui qui Pardonne, 11). 
[4] C’est à dire le décès du sommeil lorsque le conscient se sépare du corps au moment de la vision en question.
[5] Elle est appelée ainsi car elle est dans les plissements du conscient et qu’elle n’apparaît que lors de l’accident et de l’éveil, lorsque l’être a l’impression qu’il vit l’accident deux fois. Il s’agit là d’une vision qui était une chimère puis a paru. «Seul se souvient de lui celui qui revient repentant vers lui» (Celle qui Pardonne, 13). C'est-à-dire que celui qui se remet à la guidance du Très Haut en découvre les secrets. 
[6] «Que de Signes contiennent les cieux et la terre ! Les hommes passent auprès d’eux et s’en détournent» (Joseph, 105).
[7] La mort est une surprise pour les incrédules, les athées, les égarés et les insouciants qui se détournent, seulement. Ceux-ci sont surpris, lorsqu’ils trouvent en mourant, combien il était facile pour eux d’obéir et qu’ils ont désobéi; de voir et d’être restés aveugles; d’entendre et d’être restés sourds, de regarder et de s’être détournés, et d’être droits et ils se sont prétendus malades. «… Ou que vous disiez le Jour de la Résurrection nous avons été pris au dépourvu» (Al-‘Araf, 172). 
[8] Avec la fin du doute, l’hésitation, la crainte et la méfiance se dissipent avec ce qu’ils font subir à l’âme comme maux et comme mélancolie. L’homme échappe alors au problème ardu de rester entre la chose et son contraire. Car le monde a maintenant un seul visage étendu sur toute la vie et se reflétant sur la nature de l’âme.
[9] C’est là une intuition. En effet, la raison de l’être actif, libre, jouissant du libre arbitre, réactif, est inévitablement différente de la raison de l’être passif qui réagit aux influences d’autrui, qui a perdu sa liberté et la volonté de choisir pour lui-même. Ainsi, la fonction de la raison change-t-elle avec la raison et s’adapte à ce qui lui convient et qui l’accompagne.
[10] La vie de l’isthme consiste à recevoir l’âme en fonction de ses actions et de sa réaction aux effets de ses actes. «… Celui qui commet une mauvaise action ne sera rétribué que par un mal équivalent» (Celui qui pardonne, 49). Le pouvoir de l’âme est paralysé et sa volonté démissionnaire. 

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