Confrontation
dans le Monde des Souvenirs
Mon oncle a tourné la page sur ce qu’il a cru être mon cas, et il l’a
attribué à mon jeune âge. Je n’avais pas plus de vingt quatre ans, en effet,
comme me l’a dit, ma tante son épouse lors d’une conversation au cours de
laquelle elle n’a pas pu cacher sa considération et son admiration pour mon
courage. Elle a particulièrement apprécié ma capacité à ne rien dévoiler et à
supporter les accusations et la mauvaise foi, car il y avait, dans l’événement
qui s’est produit, une vérité et une réalité indiscutables, à ses yeux. Elle
m’a toutefois souhaité que je l’aide à dissiper le voile qui cache les soupçons
de mon oncle, malgré tout l’amour qu’il me portait et sa patience vis-à-vis de
mes actes.
J’ai senti en mon âme une forte envie de revoir la cité des figues de
Barbarie, le jardin des souhaits et ma seule patrie dans tout l’Iraq. Le régime
infernal de Saddam n’a pas laissé au Musulman libre un lien avec sa patrie. Il
a même enregistré, dans sa haine des Musulmans et son injustice envers eux, des
records que seuls le sionisme américain et Israël ont dépassé.
En y arrivant, je suis allé sur une petite dune, du côté qui suit le
lieu d’atterrissage des vaisseaux, et je me suis laissé aller aux méditations
et aux souvenirs, cherchant un peu de repos après la vie dure au cœur de Najaf.
Je me suis mis à regarder les endroits qui me sont chers, là où nous nous
sommes rencontrés et qui ont gardé le secret de nos histoires.
Pendant que j’étais ainsi en train de tisser mes rêves, j’ai aperçu un
oiseau géant, au cou nu et noir, s’approcher puis s’éloigner de l’endroit où
les vaisseaux atterrissaient face à la dune. J’ai pris alors en main le Livre
de Dieu ; j’ai mis un caillou dans mon lance-pierres, et je me suis mis à
louer Dieu et à l’implorer. L’oiseau s’est envolé et il a disparu dans
l’horizon lointain.
Toutefois, son départ et le fait que j’étais débarrassé de lui n’ont
pas tardé longtemps, car ce visiteur du soir a créé en moi doute et méfiance,
et dans mon cœur la peur. Je le repoussais autant que possible. J’implorais
Dieu, et je gardais le silence en écoutant ses tentations auxquelles je
continuais à résister. La confrontation s’étendit à tout mon être et à toutes
mes aspirations, au point que j’étais au bord du ravin et de la chute, n’était
l’aide de Dieu qui m’a entouré de sa bonté et de ses soins. Ce vagabond m’a
tellement harassé jusqu’à m’étouffer, et j’étais dans un état de perplexité et
de fatigue que je n’ai jamais connu auparavant.
Je me suis vu, sans le vouloir, attiré vers ce que je n’aime pas,
rempli d’idées ennuyeuses, avec des imaginations irraisonnables ; puis
tout devint noir, les rêves comme les horizons, et je suis arrivé à un point où
la mort était devenue un souhait, la vie une mort et l’existence une chose
oubliée. Il ne restait en moi que la peur et le relâchement ; il
n’existait de lien entre moi et mon monde que le sentiment d’être entraîné vers
l’horreur et la disparition.
J’ai compris alors qu’une méchante volonté m’attaquait et qu’une âme de
Djinn envahissait ma volonté, afin que je suive mes désirs et que j’exécute ses
volontés, en me soumettant à l’hypocrisie de son insistence.1
Pendant que je faisais le deuil de mon être, de ma raison et de mon
repos, un noble verset du Livre du Très Haut est apparu sur l’écran de mon
conscient, et je me suis mis à le réciter et à en saisir le sens.2
Puis vint un autre verset.3
Je suis alors sorti de ma crainte et je me suis libéré du joug des
obsessions en récitant : « On lancera contre vous deux, des jets
de feu et d’airain fondu et vous ne serez pas secourus » [Le
Miséricordieux, 35].
« Les pièges de Satan sont vraiment faibles » [Les Femmes, 76].
« Dis : mon Seigneur, je cherche ta protection contre les
séductions des démons » [Les Croyants, 97].
« L’entretien secret provient du Démon qui veut affliger les
croyants. Mais il ne peut en rien leur nuire sans la permission de Dieu. Que
les croyants se confient donc en Dieu » [La
Discussion, 10].
Les versets se sont ainsi succédés sur la page du conscient, et j’ai
compris que la bonté de Dieu a rétabli la santé et la vie de ma volonté et que
cette dernière a repris sa place. Je me suis vu en train de réciter :
« Il n’avait aucune autorité sur eux si ce n’est pour que nous discernions
celui qui croit en la vie future de celui qui en doute. Ton Seigneur est le
Gardien vigilant de toute chose » [Les Saba’, 21].
« Si le Démon t’incite au mal, cherche la protection de
Dieu : Il est celui qui entend et qui sait tout » [Les Versets
Clairement Exposés, 36].
« Tu n’a aucun pouvoir sur mes serviteurs » [Al-Hijr, 42].
« Quand tu lis le Coran, nous plaçons un voile épais entre toi et
ceux qui ne croient pas à la vie future. Nous avons placé un voile épais sur
leurs cœurs ; nous avons rendu leurs oreilles pesantes afin qu’ils ne
comprennent pas. Lorsque dans le Coran tu évoques ton Seigneur, l’Unique, ils
tournent le dos avec répulsion » [Le Voyage
Nocturne, 45-46].
L’adversité commença à se dissiper peu à peu, et j’ai commencé à
reprendre mes forces.
En vérité, rien ne m’a jamais donné autant de soucis dans ma vie que
cet incident, mais il a renforcé ma détermination ; il a rendu flexible ma
volonté et il a dissipé la peur de mon esprit.
Ce fut l’une des confrontations les plus graves que j’ai vécue. En
effet, j’ai fait échouer les mauvaises intentions de l’ennemi apostat et du
Démon grâce à une faveur que Dieu accorde aux croyants. Combien n’ai-je pas
souhaité que nous ayions, nous les Arabes et les Musulmans, une véritable
détermination qui oblige l’Amérique à cesser ses méfaits, à ne plus recourir à
la ruse, et à la ranger dans la catégorie de l’échec militaire et colonialiste,
et c’est là, la moindre des choses.
1 Il s’agit là de l’âme conquise par le Djinn, ou l’âme mauvaise, lorsque
l’homme perd la volonté et qu’il devient habité par un esprit étranger et
attiré par une volonté autre que la sienne.
2 « Lorsqu’une légion de démons s’en prend à ceux qui craignent Dieu, ceux-ci
réfléchissent et voici qu’ils deviennent clairvoyants » [Al ‘Araf, 201].
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