Notre Maison
à West Palm Beach
Après les deux prières du soir, je me suis mis à passer en revue ce que
j’ai subi et ce que j’ai enduré, tout seul.
Tandis que mon oncle a trouvé une issue dans le voyage qui était son
seul souci pour chercher à assurer sa subsistance et celle de sa famille, je me
trouvais moi face à l’un des aspects les plus violents des défis dans ce
défenseur du sionisme et ce diable du siècle. Les aspects de son hostilité
envers nous et ses sentiments à notre égard dominent tout ce qui est américain.
L’esprit des fils de Sion alimente les yeux des Américains en méchanceté et en
mauvaises intentions. C’est un cas qui a fait la synthèse entre les deux pour
en faire un mal unifié. La haine des Arabes et l’aversion des Musulmans étaient
clairement ressenties à l’aéroport même et dans les agissements des agents de
la sécurité et des douanes, ainsi que dans le comportement des services de
traitement des citoyens de l’Orient islamique, en général, et du Moyen Orient,
en particulier.
J’ai alors senti la gravité de la tragédie à laquelle nous a acculé
l’oppression locale et la gravité de la faiblesse dans laquelle nous ont
plongés les régimes arabes.
Abou Saïd al-Basri ne s’intéressait pas à la chose, de même que mon
oncle et les siens. Ces gens-là et leurs semblables n’ont d’autres ambitions
que le strict nécessaire pour vivre. S’ils s’en privent quelque part, ils vont
ailleurs. Je me suis posé alors cette question : la révolution générale
sur tout l’étendue de la terre arabe et islamique n’est-elle pas plus supportable
que cet incendie qui me consume ? Allons-nous jamais nous réveiller sinon
à travers un incendie ravageur ?…
Si l’habitude s’empare de l’esprit et de l’âme, mon esprit n’a cessé
avec le temps de sentir le refus, et il n’a fait qu’augmenter son hostilité
envers une nation qui a dépassé les limites.1
N’était l’amour de la vie jusqu’à l’adoration et l’attachement à ses
biens jusqu’à l’égarement, aucun homme sensé ne serait venu à ce pays et ses
habitants eux-mêmes n’y seraient pas restés.
La Floride et les autres États d’Amérique représentent la vie
trompeuse, le despotisme organisé, la débauche respectable. Ils constituent un
État qui a causé, depuis cent ans au moins, la misère du monde entier, et le
malheur de toute la nation arabe et islamique.
Miami en particulier et la région de West Palm Beach, encore plus
particulièrement, ont à cause de leur nature aride, un cachet désertique en
dépit des beautés artificielles et des panneaux qui bordent leurs routes.
Notre maison se trouve à neuf kilomètres de la côte, au cœur d’un
quartier populaire très modeste, où habitent certains noirs d’origine africaine
alors que la plupart des habitants sont d’origine mexicaine. Ils sont connus
pour leur nonchalance, leur paresse et leur préférence des travaux qui ne
demandent pas de l’effort. Ils appartiennent, peut-être, à une espèce humaine
qui trouve dans les excès, le trafic et les manœuvres un moyen de vivre plus
facile.
D’autres parmi ces gens ont quitté cette voie pour exercer leur
nonchalance sur des routes droites et leur paresse sur les trottoirs
tranquilles, en vendant des ignames ou des tranches de viandes rôties qui
envoient sur le visage des touristes et des clients des nuages d’odeur de rôti.
Devant et derrière nous, à droite et à gauche, les habitations modestes et les
taudis délabrés, les maisons des trafiquants de drogue et des mafieux, les
vendeurs de produits interdits et leurs bandes ; les marchands d’or et de
diamants qui constituent une classe particulièrement riche, en dépit du profil
bas qu’elle pratique et qui donne du fil à retordre aux autorités de cet État,
incapables de les maîtriser et qui, peut-être, ferment les yeux sur leurs
activités, assurant de larges bénéfices au tourisme de débauche et aux maisons
de jeux. La religion capitaliste américaine basée sur la déité de l’argent
autorise beaucoup de choses interdites même si elle fait semblant de les
combattre.
L’atmosphère de la vie à West Palm Beach ne manquait pas de ces
interdits nouveaux et des formes de débauche additionnelles, qui paraissent,
aux yeux des Américains autrement qu’aux yeux des Musulmans pieux.
La démocratie du sexe, ou sexocratie dans cette société-là, a réussi à
présenter des images et des gadgets, des pratiques et des trucs, des relations
et des échanges que les anciennes pratiques pornographiques n’ont pas connus.
J’ai fini par avoir la conviction que la régime de Saddam, situé entre
la rectitude et les passions et entre l’Islam et la perversion, est sur le
point de s’imposer à la grande majorité des concepts entre nous et les
Etats-Unis, en particulier, ce qui rend le conflit entre nous et eux inévitable,
voire soutenu du fait de la nature messianique cosmique des deux parties.
Car alors que le Très Haut nous a ordonné de diffuser la religion sur
chaque pouce de la terre, et pour lui donner la priorité sur toute autre
religion,1 l’Amérique s’emploie, de son côté, à
imposer sa démocratie dissolue sur les pays du monde, comme religion pour le
monde. Elle est allée si loin que cette innovation est devenue son objectif et
l’un des secrets de sa mission.
Avec le temps, je me suis aperçu à quel point ma décision d’obéir
à la volonté de mon oncle a été idiote. Cette décision qui m’a mis en
confrontation avec moi-même, m’imposant une lutte avec mon âme qui m’occupe les
heures du jour et de la nuit… J’ai tellement souffert surtout lorsque je
pensais à mes rapports avec mon Dieu et à ma peur pour ma religion.
Mon Dieu, comment ai-je pu me laisser entraîner ainsi, en faisant taire
ma fierté, et comment ai-je pu décevoir les gens. Je dois corriger par
l’audace, ce que l’hésitation a gâché.
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