Une Bataille
sur la Plage
J’ai passé des jours à attendre l’occasion de m’entretenir avec
mon oncle qui revenait du travail exténué. Cette occasion se présenta le soir
d’un jour férié. Je me suis approché de lui pour me plaindre de la réalité de
ma vie et de ce qui me travaille et il ne trouva à dire que « es-tu, par
hasard, un messager pour cette partie du monde ? Nous avons quitté notre
terre et nous avons fui notre pays en raison des circonstances que tu connais
et de l’oppression qui nous poursuivait. Nous n’avions par le choix. Tous les
pays arabes sont l’Iraq et leurs gouvernements sont des copies de son
gouvernement même si les méthodes et les degrés diffèrent.
Je n’ai pas répondu sachant qu’il était inutile de répondre, mais mon
cœur a caché cette réponse qui allait de pair avec ses battements. J’avais, en
effet, décidé de fuir le pays du diable, le grand frère cancéreux de Saddam qui
est à l’origine de notre émigration.
Je suis sorti, ce soir-là, errant, l’esprit et le cœur pleins de
tristesse, et je me suis dirigé vers la plage. Chaque fois que mon regard
tombait sur un interdit, je le dépassais. J’ai fini par m’éloigner des groupes
de noceurs et je suis arrivé à un endroit où j’ai aimé être seul. Quelques
minutes après, une jeune et belle fille est passée devant moi, portant des
habits de plage bien transparents. J’ai détourné mon regard, et voici qu’un
groupe de voyous s’est mis à sa poursuite, et il est apparu d’après leur démarche
qu’ils lui voulaient du mal.
Je me mis quelques secondes à les observer et, un quart d’heure après,
des cris s’élevèrent. Les voyous s’étaient attaqués à la fille dont la beauté
les a charmés et dont la nudité les a séduits. Je me suis levé sur le champ,
l’élan mohamédan réveillant tout l’Islam en moi, et je les ai vus se la passer
l’un l’autre, alors qu’elle était au milieu comme un ballon que les joueurs
s’envoient. J’ai alors dit Allah Akbar et j’ai commencé à les frapper de la
droite et à leur donner des coups de pied. Ils furent abasourdis et ils
reculèrent.
La pauvre fille s’est appuyée sur moi en pleurant, et elle m’a vu la
repousser gentiment de peur de commettre un péché. Elle me regarda d’un air
étonné. Je lui ai fait signe de rester à une petite distance de moi, ce qu’elle
a fait. J’ai pris alors mon manteau qui était sur le sable après la bataille et
je le lui ai donné pour cacher sa nudité qui était encore plus flagrante après
l’agression. J’ai dit pour la consoler : je suis désolé pour ce qui vous
est arrivé, ma sœur, et je vous demande d’excuser mon retard à vous porter
secours. Elle a répondu, toute étonnée, combien de vos semblables, jeune homme,
sont loin d’être des humains.
Je n’ai pas voulu la blesser et j’ai gardé ma question en me disant à
moi-même « Si seulement vous saviez combien je suis loin d’être américain ».
Mon silence l’étonna encore plus et elle dit : « excusez-moi
beaucoup, mais votre accent anglais troublé, vos traits et votre magnanimité
montrent que vous venez d’un pays que j’ignore ».
J’ai pensé lui donner une réponse vague, puis j’ai levé la tête et j’ai
dit : « je suis musulman en provenance des pays arabes ». Je me
suis mis à répéter en moi-même : « vous n’ignorez, à notre sujet que
notre réalité. Vos gens, jeune fille, voient les choses selon leurs intérêts et
selon leur humeur ». Elle a crié : « vous êtes donc arabe, et
musulman aussi? »
Je n’ai pas répondu, puis elle a dit : « mais les media
ont des discours qui démentent ce que j’ai vu ».
J’ai dit : les media font-ils autre chose que mentir. Car si les
choses allaient normalement, il n’y aurait pas eu besoin de media – sauf, peut
être – pour démasquer leur mensonges1
qui sont devenus un poison quotidien.
Elle a dit en se rapprochant de moi, « pour quelle raison vous
vous éloignez de moi ? »
J’ai dit :
« c’est la religion. Le Musulman n’a de la femme que son épouse et, à part
cela, il a sa mère, sa sœur, ou sa fille, selon son âge ».
Elle a dit : « mais cela est idéal, c’est une vie
angélique ».
J’ai répondu : « les choses ne sont pas comme vous le pensez.
Les Anges ne se marient pas. Ils ne procréent pas et ils ne vieillissent pas.
Ils ne sont ni mâles, ni femelles. Ils n’ont donc ni conjoints, ni mères, ni
frères ni sœurs. Je vois que vous défendez la culture de gens égarés, et vous
avez oublié que vous avez failli, il y a peu, être la victime de vos idées et
de ce que vous croyez.
Elle dit, ses yeux fixant mon visage, en m’observant avec joie et
admiration qui lui ont fait oublier ce que l’incident a laissé dans son esprit
et ses nerfs : « comment l’amour a-t-il lieu dans votre
culture ? » j’ai répondu : « craignez Dieu, dites le bien,
détournez-vous de la licence et des interdits et faites, ensuite, ce qui bon
vous semble.
Elle se colla contre moi de force et elle approcha son visage pour
l’embrasser. Je l’ai écartée en disant : « je ne suis pas ce que vous
pensez ». Je me suis contenté de l’éloigner un peu et j’ai embrassé son
épaule droite. Elle n’a pas voulu rater cette occasion qu’elle recherchait tant
et elle a fait de même.
Je me suis levé et j’ai commencé à me débarrasser des grains de sable.
Elle fit de même là où mes yeux ou mes mains n’arrivaient pas, puis elle
commença à se débarrasser à son tour des grains de sable, tout en me regardant,
espérant une initiative de ma part.
J’ai dit en souriant : « écoutez, ma sœur d’Amérique, je ne
vous toucherez jamais, sauf avec la permission de Dieu. Ne vous attendez donc à
rien de ma part, car vous avez pour les interdits une passion qui n’a d’égale
que la passion des Musulmans pour ce qui est légal.
Elle a souri en me suivant
et, une fois fatiguée, elle a dit, « ne pouvez-vous pas aller moins vite,
vous l’Arabe ?… J’ai répondu favorablement à son souhait. Elle a respiré
et elle a ajouté : « je ne voudrais pas que cette compagnie
s’interrompe et j’aimerais tant que notre séparation soit impossible et que
notre promenade ne finisse pas.
En dépit de son
souhait, nous sommes arrivés. Nous étions devant un bâtiment touristique
somptueux devant l’entrée duquel est apparu un homme corpulent, le visage
rouge, ayant la quarantaine. Elle le signala et elle me le présenta :
« c’est mon frère, John Stevenson ». Il s’est mis à me saluer
chaleureusement avec le sourire et à me parler de manière vivace. Je me suis
présenté et j’ai entendu la jeune fille répéter mon nom : Arkâne, Arkâne…
Elle a dit, ses yeux
survolant mon visage : « comme vous êtes remarquable et comme je
souffre ». J’ai levé alors ma main droite en saluant puis je me suis
retourné sous une rafale de cris : Arkâne, Arkâne, Arkâne.
J’ai senti, en cours
de route, que je n’étais pas seul et que quelqu’un me suivait. Je l’ai regardé et j’ai vu un homme noir âgé,
dépassant la soixantaine, et craintif. Il m’a dit en balbutiant :
« Madame Gina m’a envoyé… c’est la demoiselle Stevenson, et elle m’a
demandé de rapporter votre adresse. Par Dieu, cher monsieur arabe, je vous prie
de m’aider. C’est une dame très généreuse et très gentille avec moi mais elle
ne me pardonnera jamais si je reviens les mains vides.
Je n’ai pas hésité
longtemps. Quel que soit son désir, je ne ferais du mal à personne,
s’il plaît à Dieu. J’ai poursuivi mon chemin et je suis arrivé devant la
porte de la maison.
1 S’il n’y avait pas les media menteurs, il n’y aurait pas eu un besoin des
media, sauf pour des communiqués, une invitation au bien ou une cause juste.
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