L’Enfer de
l’Adieu
Une heure avait juste passé depuis leur arrivée à cet endroit lorsque
Kachine Dom et son frère firent signe à leur sœur de se préparer au départ.
J’ai alors senti une tristesse profonde s’emparer de mon cœur. J’ai vu les
larmes couler abondamment de mes yeux. J’ai voulu cacher mon visage mais mes
mains tremblaient. Ils se mirent à me regarder. Ronca Cham n’a pas voulu partir
sans me consoler. Elle s’est approchée de moi et elle s’est mise à embrasser
mon épaule, alors que j’étais absent.
Le signal du départ m’a rappelé les scènes de calamités illimitées de
ma vie. Je me suis alors mis à me demander comme je l’ai toujours fait lors de
mes moments de solitude : « Si ces gens-là retournent chez leurs
parents, chez qui j’irais, moi ». Et si ces gens-là ont la nostalgie de
leur patrie, alors que moi je cherche à me sauver de ce qui règne dans ma
patrie. Il y a même des gens qui veulent la quitter, et qui déploient des
efforts pour partir après qu’elle soit devenue un camp de concentration pour
ses fils et un cimetière pour les hommes libres, après que les gens furent
obligés, comme moi, à émigrer et à préférer le pays du démon.1
J’ai réussi, après des efforts, à retenir mes larmes et à arrêter mon
chagrin et je me suis mis à arranger mon aspect pour l’adieu en répétant :
« Il n’y de volonté ni de force qu’en Dieu, le Tout Puissant ». J’ai
avancé ensuite vers Sourash Rassoul et je lui ai donné l’accolade. J’ai fait de
même avec Kachine Dom, pour me trouver, enfin, face à Ronca Cham, qui pleurait.
Elle séchait ses larmes avec ma koufia qu’elle sentait et avec laquelle elle
rafraîchissait son visage. Une fois calmée, elle fit quelques pas en arrière
vers le vaisseau. Elle continua son recul avant de se retourner vers
l’escalier. Elle fit un signe de ses mains et elle cria : « Je
reviendrais dans deux mois et je n’ai d’autre dessein à cet endroit que toi. À
bientôt ».
Quelques secondes après, l’espace d’où elle est venue la cachait et les
deux vaisseaux disparurent en même temps. En effet, l’un des frères a pris le
premier vaisseau alors que j’avais espéré qu’il restât sur place comme témoin
de mon histoire. Quelle ne fut pas ma surprise, en recherchant les traces de
cet incident profondément ancré dans mon âme et dans mon cœur, d’être incapable
de trouver autre chose qu les empreintes de mes pas. Même ceux produits lors de
l’atterrissage des engins s’étaient nivelés et leurs traces effacées. Quel ne
fut pas mon étonnement lorsque, revenu sur le lieu où je pensais trouver le
cadavre du vilain, il n’y avait plus que des restes de cendre noire que le vent
se chargeait de disperser. J’étais perplexe et si désorienté qu j’ai fini par
me résigner et que j’ai faillit perdre la raison.
J’ai quitté cet endroit enchanté, l’esprit emporté par cet incident,
cherchant à l’analyser et à en connaître le secret.
Nonobstant l’étrangeté de ce qui me troublait et l’amertume et la
tristesse que je ressentais, j’écartais de ma pensée tout ce qui pouvait mettre
en doute la véracité de ce qui s’est produit, et je rejetais toute idée selon
laquelle il ne s’agissait en fait que de chimères, ou de simples illusions qui
ont fini par prendre corps et qui sont apparues sous l’effet de la tragédie et
des soucis permanents.
1 La préférence des États-Unis en dépit du fait qu’ils aident Saddam et
qu’ils inspirent sa tyrannie. Il est regrettable de voir l’opposition arabe
trouver refuge auprès de ses ennemis alors qu’elle n’en trouve pas dans les
pays arabes et islamiques. Car le démon agent est pire que le démon original,
plus inique et plus oppresseur.
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