Le Meurtre
du Malfaiteur
La scène était non seulement tragique, mais aussi extravagante. Ce
vilain personnage est allé si loin dans sa conduite qu’il a poussé la jeune
fille et après l’avoir jetée par terre, s’est placé sur elle dans la position
du violeur. Les yeux de la jeune fille cherchaient un secours et elle lança un
cri en pur arabe : ô mon Dieu, par votre honneur, ô Musulmans.
J’ai senti, en l’entendant, toute la force de la terre se réunir en
moi. J’ai alors pris mon lance-pierres dont je ne me sépare jamais, et je lui
ai lancé un caillou accompagné d’un cri strident « Allah
Akbar ». Dieu est le plus grand. Le vilain perdit connaissance ; il
tituba, puis il se tourna vers moi. Je lui ai lancé un second caillou qui le
fit tomber par terre. Je me suis approché de lui alors qu’il continuait à
respirer, et j’ai pris une grosse pierre lisse que j’ai jetée sur son crâne, ce
qui fit sortir encore plus les yeux de sa tête, comme s’ils me menaçaient, puis
il ne tarda pas à rendre l’âme.
J’ai eu, en le voyant étendu mort, un fort sentiment de fierté et
d’exaltation, mélangé à un sentiment de joie que je n’ai connu qu’une fois
auparavant lorsque j’ai porté secours à une veuve yéménite qui avec ses
orphelins, partageait avec nous les ruines de notre quartier. J’avais, ce
jour-là, tué un soldat saddamiste qui lui voulait du mal et, une autre fois,
lorsque j’ai rendu deux éléments des tortionnaires des agents du cancer
saddamiste au Sud qui semaient la terreur et les malheurs. D’après mon
éducation et ma culture, et d’après le Livre de mon Dieu, et les
recommandations de mon père, les soldats du mal sont les pires soldats, la
police des pharaons est la pire des polices. Dieu m’avait doté d’intelligence,
d’ardeur et de force qui ont rendu célèbre notre clan.
La jeune fille s’est rapprochée de moi pendant que je me tenais debout
au-dessus de la tête du démon, et elle s’est mise à me regarder avec des yeux
plus purs que les perles et plus profonds que l’océan. J’y ai lu un plaisir et
une reconnaissance. J’ai alors senti comme une crainte et j’ai fait, sans le
vouloir, un pas en arrière. Et, comme si elle avait deviné ma pensée, elle m’a
dit : « Arkâne, mon frère, n’ait pas peur. Laisses-moi jouir de ta
présence quelques instants avant que l’espace ne m’enlève. J’ai répondu :
« Ce n’est pas de la peur, mais… »
Ma langue s’est arrêtée. Elle reprit avec beaucoup de
gentillesse : « Je suis une de tes sœurs parmi les filles Djinns
musulmanes. Ma connaissance de votre langue m’est arrivée grâce à un héritage
que les siècles n’ont pas entamé, depuis que nos ancêtres sont allés au pays de
Cham où ils ont été guidés vers la lumière de Dieu et de l’Islam.
Je l’ai regardée sidéré ; j’ai regardé le vaisseau, puis je l’ai
regardée de nouveau. Elle a compris que je voulais connaître l’origine de cette
histoire, et elle a dit : « Nous occupons dans cet univers une place
dont tu auras, grâce à Dieu, des nouvelles, et qu’il n’est pas opportun de
citer en ce moment. Pas loin de chez nous, d’autres Djinns descendent qui sont
des Juifs, et ce diable est l’un d’eux. Il me poursuivait dès la minute où il
m’a vue, et il m’a enlevée pour m’amener à cet endroit.
Son histoire m’a un peu perdu et je me suis dit : « Même dans
le monde des Djinns, ces gens-là ne nous laissent pas tranquilles… » Je me
suis vu attiré par ce que j’avais emmagasiné en moi envers les Juifs et cela a
failli me pousse à donner un coup de pied à la tête de ce vilain
personnage ; mais je me suis retenu de le faire en me rappelant la Sunna
du Prophète qui recommande de ne pas défigurer un mort, même s’il s’agit d’un
chien.
Je me suis rappelé que la jeune fille avait répété mon nom, et je lui
ai demandé comment elle l’avait connu. Elle répondit : « Ce n’est pas
la première fois que je viens ici. Nous y venons souvent après avoir visité le
mausolée de l’Imam Ali, à moins que nous n’en soyons empêchés par d’autres
Djinns. J’ai entendu, au cours de l’une de mes visites, la voix d’un jeune
garçon qui te disait de ne pas t’en approcher de peur que tu ne tombes sur un
malheur ou un méchant Djinn. Je t’ai vu, souvent, errant et réfléchissant, ta
langue ne cessant de citer le nom de Dieu, le Tout Puissant. J’ai été alors
ravie par ton fait et ta vue.
J’ai souri et j’ai pensé m’approcher d’elle et lui rendre sa
gentillesse. J’ai tapé gentiment sur son épaule. Elle a fermé les yeux de crainte
pour mes yeux face à la forte luminosité des siens. J’ai pris alors le bout du
châle qui couvrait sa tête comme un foulard pur, et je l’ai embrassé, une fois,
puis deux, puis je l’ai passé sur mon visage.
Elle a, probablement, senti le sens de mes actes comme quelqu’un qui a
tout vu et à qui rien n’échappe. Elle a alors embrassé mon épaule, puis elle a
pris le bout de ma koufia arabe qui entourait mon cou et elle s’est mise à la
passer sur son visage. Je l’ai alors dénouée et je le lui ai offerte en
souvenir. Le cadeau lui a fait plaisir. Elle a alors détaché une chaîne en
cuivre de son cou et elle m’a demandé de lire ce qu’il y avait dessus. J’ai vu,
gravé « Au nom de Dieu, il n’y a de force qu’en Dieu ». Elle me l’a
offerte et j’étais tout heureux. Je l’ai mise tout de suite autour de mon cou.
Je venais juste de le faire lorsqu’un vaisseau plus beau et mieux fait
a atterri devant le premier. Mon entretien avec la jeune fille m’a empêché
d’entendre le vaisseau atterrir. Soudain, deux hommes petits de taille en
sortirent, le visage étrange mais d’un aspect moins laid. J’ai été surpris et
refrogné et j’ai mis la main à mon sac de cailloux et à mon lance-pierres, pour
le cas où. J’ai alors entendu la jeune fille crier de joie, « mon Dieu, ce
sont mes frères ». J’ai été tranquillisé et j’ai vu les deux frères et la
sœur se donner une accolade chaleureuse. Ils se sont ensuite approchés de moi
et la jeune fille m’a présenté à ses frères : « Notre frère humain
arabe, Arkâne Eddine ». Elle a ensuite indiqué du doigt le cadavre du
vilain étendu sur le sable, et elle a ajouté : « Dieu, le Très Haut,
m’a sauvée de celui-là par l’intermédiaire de notre frère, avant que le mal
n’arrive, grâce à Dieu ».
Puis elle s’est
tournée vers moi, me présentant ses frères : « Voici mon frère
Kachine Dom, ce qui veut dire en arabe, Mujahid. Et voici mon frère Sourash
Rassoul, qui signifie, le serviteur du Prophète. Moi, je m’appelle, Ronca Cham,
c’est-à-dire, jeune fille tendre de Cham. J’ai compris, d’après ce qu’elle m’a
expliqué, avant notre séparation, que ses frères avaient parcouru l’espace à sa
recherche pour arriver à ce coin habité de Najaf.
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