J’ai reçu
l’ordre de mettre en mouvement les blindés légers et les lance-roquettes moyens
en direction de la région des grottes, et ce, à la suite de nouvelles disant
que al-Chari s’y est réfugié avec un grand nombre de ses partisans.
Le colonel m’a
convoqué à son bureau quelques minutes seulement avant le départ pour me
charger encore plus de colère et dédain à son égard. Il m’a donné un ordre qui
n’a pas son pareil dans le langage de la guerre et des combats, ni dans celui
des mœurs militaires. « Je vous envoie contre des racailles renégates et
des criminels. Ne retournez pas tant qu’il y a un être vivant parmi eux, et ne
manquez surtout pas celui qui les conduit. Je ne veux rien de moins que sa
tête, sinon, rien n’est plus facile pour moi que votre tête »… J’ai
regardé le sol essayant de cacher ma réaction et j’ai répété, en secret, les
paroles du grand Prophète : On ne doit pas obéir à une créature si on
commet un péché envers Dieu ». J’ai suivi ces paroles par un cri intérieur
vers Dieu, qui est proche et qui écoute : « Dieu, faites ce qu’il
vous plait et punissez-le de ce qu’il ne peut pas supporter ».
J’ai été
réveillé, en sursaut, par les aboiements du misérable qui m’a dit tout
furieux : « Qu’avez-vous, chaque fois qu’on vous dit quelque chose et
qu’on vous adresse un ordre, à regarder le sol. Allez-vous en. Vous êtes,
ainsi que celui vers qui je vous envoie, de la même catégorie, d’une bande
d’insurgées. Votre secret est avec nous comme aussi votre compte…
Je suis allé là
où Dieu a décrété que j’aille, et mes ordres à mes subordonnés étaient claires,
celles d’éviter à tout prix de faire couler le sang. J’ai repoussé les groupes
de combattants au moyen d’un bombardant intensif qui a transformé la zone de
feu en théâtre de tempêtes et d’éclairs, ce qui a empêché les insurgés de
tenter de combattre et qui les a conduit à renoncer à la confrontation. Ils se
sont alors retirés vers la zone où je croyais que al-Chari s’était réfugié.
J’ai pris un poste à une certaine distance de cette zone et j’ai établi un
siège autour, en y envoyant les espions. Quelques nuits suffirent pour mettre
la main – avec l’aide de Dieu – sur toutes les ficelles de l’affaire et sur ses
héros et leurs partisans. Il ne restait qu’à la transporter dans la réalité, au
moyen d’opérations limitées et de tactiques spéciales.
Je me suis alors
adressé de nouveau à Dieu, je lui ai exposé toute l’affaire dans l’espoir qu’il
m’inspire la voie menant à mon salut et à celui des croyants encerclés et des
soldats qui les guettent.
Je savais que la
bonté divine nous accompagnait, moi et ceux qui étaient avec moi, et que celui
qui se confie à Dieu et qui le craint est l’objet de son attention.1
Un peu après
minuit, mon poste fut l’objet d’une tentative d’infiltration effectuée par un
groupe d’insurgés cherchant à briser l’encerclement étouffant, en provoquant le
désordre dans le poste de commandement, maintenant qu’ils étaient sur le point
d’étouffer.
Après un
accrochage limité avec les gardiens du poste, au cours duquel un certain nombre
de gardiens et de combattants ont perdu la vie, le chef de l’opération se
réussi à pénétrer dans ma chambre pour me trouver en train de l’attendre avec
pour choix, de jeter son arme ou de mourir.
L’homme a obéit.
Il jeta son arme et il lança un soupir profond qui disait toute sa déception et
sa défaite. Je l’ai entendu murmurer avec tristesse. « Quelle rare
occasion perdue », avant d’ajouter, « Dieu, compense tes serviteurs
avec tes bontés, évite-leur le mal et l’injustice, tu est proche et tu écoutes…
il s’est retourné vers moi et je lui ai répondu, devancé par mes larmes ».
« Ne
désespérez pas ; la clémence de Dieu est plus grande que votre situation,
que votre imagination et que vos pensées ».
L’homme eut
peur. La perplexité l’avait rendu ivre. Je lui ai lancé un de mes costumes dont j’ai retiré les grades
et je lui ai dit : mettez-le, si jamais quelqu’un rentre, qui ne craint
pas Dieu et qui n’a pas de pacte avec l’Islam. Je suis sorti de la pièce qui se
trouvait à côté de la tente consacrée à la direction des opérations après
l’avoir prié d’attendre mon retour.
Après avoir fait
une brève tournée d’inspection, je suis revenu et je l’ai trouvé en train de
prier. Sa prière terminée, il m’a salué. Je l’ai salué à mon tour et je lui ai
dit : je crois que c’est vous la personne pour la tête de laquelle je suis
venu. Il s’est tu. J’ai poursuivi : je crois que vous êtes monsieur Abdel
Mouïd al-Chari. Il a dit oui, et j’ai dit : est-ce un mal pour moi que
vous soyez tombé chez moi, ou est-ce que le Miséricordieux l’a voulu comme un
bienfait. Il a dit : plutôt beaucoup de bien et une bonne issue. Je n’ai
pas voulu, avec mon mouvement modeste, faire tomber le régime, ni démolir les
fondations de l’injustice. J’ai seulement souhaité jeter les semences de la
révolution et préparer la voie à une aube nouvelle. J’ai souhaité donner un
exemple d’amour-propre, de courage à affronter l’ennemi quelles que soient les
forces en présence et les circonstances défavorables.
J’ai dit :
la déclaration de la rébellion, les actions de troubles, le retrait dans les
montagnes et dans des endroits difficiles d’accès, vous mettent face à face
avec les unités de l’armée spécialement entraînées pour des combats conformes à
la nature de votre terrain ; des unités qui n’ont d’autre souci et d’autre
doctrine que ceux de vous effacer et de vous détruire.
Toutefois, ces
unités ne manquent pas d’éléments qui cachent leur religion et leur foi, qui
retiennent leur colère. C’est une catégorie peu nombreuse. Je crois que vous
devriez modifier le choix de vos cibles de sorte qu’aucun oppresseur ne vous
échappe et qu’aucun opprimé ne soit victime. Si votre objectif est le
changement, cet objectif ne peut pas être atteint en affrontant l’armée, qui
est un instrument du pouvoir, et en vous lançant dans des accrochages avec
elle. Cet objectif pourra se réaliser, plutôt, en éliminant les têtes qui
trament les complots, en tuant les âmes criminelles orgueilleuses, en diffusant
cet objectif aux présents et aux absents, en le faisant parvenir aux
générations futures et aux peuples écrasés afin que la tyrannie ne s’éternise
pas, que les religions ne soient pas déçues et que ne soit pas bafouée la
dignité de l’homme…
Ne voyez-vous
pas comment la société du despotisme résume la nation en la personne d’un seul
être misérable, à cause de son pouvoir et de peur de son Démon, en raison de sa
tyrannie. Cette situation là facilite la tâche des forces du changement et lui
ouvre la voie lorsque la distance entre ces forces et leur objectif est une
seule balle bien visée, ou plusieurs balles bien distribuées entre ceux qui les
méritent et leurs successeurs éventuels… Il reste toutefois à ceux qui font le
bien d’exposer leur cas à Dieu avant de ne rien entreprendre et avant de
réfléchir aux résultats et aux conséquences relativement aux créatures, et aux
frais.
S’il apparaît,
après de longs efforts et un examen minutieux, qu’il y a une possibilité
d’améliorer la situation, l’action devient juste, sinon il sera plus utile de
patienter, car faire supporter à la nation ce dont elle n’est pas capable, est
une injustice devant laquelle l’injustice des oppresseurs devient moins grave.
Car celui qui entreprend une action irréfléchie, qui ne prend pas en
considération les intérêts des gens, est un être frivole qui n’a pas d’objectif
et son action est de l’insouciance pure.1
C’était comme si
je venais de le réveiller d’un sommeil profond, ou comme si je l’avais guéri
d’un mal incurable. Je l’ai entendu murmurer : maintenant, j’ai tout
compris. J’espère avoir trouvé mon chemin. Il s’est retourné vers moi et il a
dit : que conseillez-vous à votre frère. J’ai dit : vous allez être
accompagné par un groupe d’hommes qui croiront que vous êtes l’un d’eux, et que
vous êtes envoyé par le commandement chez les insurgés pour les appeler à jeter
les armes volontairement en échange de la liberté et pour éviter que le sang
coule. Si vous réussissez avec l’aide de Dieu, il vous restera à faire ce que
je vous ai conseillé concernant les forces armées et les coups à porter
directement aux usurpateurs.
L’affaire s’est
terminée, grâce à Dieu le Très Haut, comme souhaité. Je me suis alors prosterné
devant le Dieu de la terre et du ciel et la nouvelle de la fin de la rébellion
et de la disparition du poète Abdel Mouïd al-Chari, s’est répandue dans tous
les coins.
La presse qui a
accompagné le déroulement des opérations a été plus fidèle que l’information
officielle victime des pressions du pouvoir.
Dieu n’a pas
donné au méchant colonel la chance de jouir de ses mensonges et calomnies. Il a
été tué d’une balle perdue lorsqu’il a ordonné à ses soldats de tirer en l’air
pour célébrer sa victoire contre les rigoureux. Je suis devenu, grâce à Dieu,
et sur l’insistance de la presse et des media indépendants, celui qui a
remporté le butin que je n’ai jamais cherché, tout heureux simplement d’avoir
agi selon ma conscience en gagnant la satisfaction de Dieu.
1 « C’est lui qui vous montre ses Signes et qui fait descendre du ciel
de quoi pourvoir à vos besoins. Seul se souvient de lui celui qui revient
repentant vers lui » [Celui qui Pardonne,
13].
1 « Ô vous les croyants. N’anticipez pas sur Dieu et son Prophète.
Craignez Dieu » [Les Appartements Privés, 1].
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