samedi 3 août 2013

La Catastrophe

La Catastrophe

Gina avait hérité de son grand père paternel, Sir William Stevenson, une belle villa au cœur de la région située sur la côte Est de la Floride. Cette situation sur l’Océan Atlantique avait, en elle, un amour supplémentaire, pour ce qu’elle signifiait comme lien entre l’Occident et l’Orient.

Je me trouvais à Michigan, en visite chez Cheikh Hamad Qassimi pour lui demander quelques informations sur les procédures de mariage et les formalités officielles aux Etats-Unis en préparation du contrat que j’envisageais avec Gina, lorsque m’est parvenue comme une foudre, la nouvelle d’un ouragan qui venait de frapper la côte Est de la Floride.

J’avais quitté West Palm Beach alors que ma bien aimée avait l’intention d’y amener Umm Ahmad et les enfants en vacances. Dès que j’ai appris la nouvelle, je me suis adressé au Dieu des mondes, implorant sa bonté. J’ai ensuite cherché à partir vers la villa de mes rêves sur les sables de l’Atlantique. Une fois sur place, ce fut comme un vertige qui s’est emparé de moi. J’ai senti comme si j’étais enlevé de ce monde et je suis tombé sur le sable, craignant pour ma chérie.

J’étais abattu en voyant les ambulances et les secouristes s’agiter dans un va et vient ininterrompu, essayant de réduire les conséquences de cette catastrophe et de sauver ceux qui étaient encore en vie sous les décombres.

Je suis allé vers l’hôpital principal de la région et, après avoir examiné les différentes sections de l’établissement, j’ai vu le frère aîné de Gina, John Stevenson, sortant de la salle de soins et de réhabilitation, le visage coloré par la peur, jaune comme un citron. Dès qu’il m’a vu, il s’est jeté sur moi comme quelqu’un qui vient de trouver un être après l’avoir cherché en vain. J’ai demandé des nouvelles de Gina et il m’a pris par la main et il m’a conduit devant son lit. Là bas, au-dessus du visage angélique de ma chérie qui souffrait, j’avais les nerfs tendus, mais je me suis retenu, remerciant Dieu et j’ai dit à John : « si seulement vous pouviez m’amener deux témoins musulmans et un ma’zoune1 avant qu’elle ne se réveille. Il a accepté et il et revenu avec deux hommes de couleur qui étaient – je l’ai appris plus tard, - les deux nouveaux gardiens.

J’ai regardé John et il m’a dit, voici l’homme du contrat et voilà le second témoin, et moi-même. J’ai déclaré mon Islam, à Detroit, il y a deux semaines. J’ai souri en le félicitant et j’ai appuyé sur sa main, alors que mes yeux se promenaient sur le lit de Gina et que les larmes coulaient de mes yeux.

Gina s’est enfin réveillée. En me voyant, elle a lancé un cri, Arkâne, Arkâne… N’étaient la honte et la pudicité de l’Islam, je me serais jeté sur elle comme les Américains sans me soucier des convenances. Mais le fait de désobéir à Dieu et à l’honneur religion vraie m’a retenu.

Mais les sentiments étaient très forts. Je me suis penché sur le lit, mettant ma tête dans les couvertures. Je me suis mis à les embrasser dans les limites autorisées par la Loi de Dieu, ce qui a attiré l’attention des personnes présentes et y a suscité des sentiments humains.

Pendant que Gina répétait mon nom, John m’a relevé et il m’a aidé á me remettre de mes émotions.

J’ai alors demandé à l’autre témoin ce qu’il savait sur les formalités du mariage et il m’a dit qu’il était celui qui était autorisé à procéder aux contrats dans le quartier africain de West Palm Beach. Notre mariage a eu lieu sous les regards étonnés des personnes présentes, dans une atmosphère où la tristesse et la joie se mêlaient. J’ai alors trouvé que je pouvais donner libre cours à mes sentiments et à ma passion. J’ai relevé un peu la couverture et je l’ai embrassée sur la bouche d’une manière qu’aucun américain n’a jamais connue, ni imaginé.

J’ai levé la tête et je me suis vu comme quelqu’un qui sort du Paradis pour se retrouver dans le monde des souffrances. J’ai recommencé à passer ma tête sur sa poitrine et entre ses épaules, puis j’embrassais de nouveau sa bouche, dans une ivresse où la raison et le cœur étaient bien à leur place.

Je suis resté ainsi un bon moment, répétant mes gestes affectueux, en épuisant tout ce que l’âme a emmagasiné depuis des milliers d’années.

Les jours suivants ont connu cette même chaleur romantique et cette griserie spirituelle, alors que nous voltigions dans le royaume de la passion. Gina s’est rétablie et elle a retrouvé ses forces. Son véritable médecin était mon amour et ses médicaments ma passion autorisée par Dieu.

Mon oncle a perdu son fils cadet alors qu’il suivait le traitement des autres membres de sa famille, avec la possibilité de perdre son épouse et la compagne de sa vie, Umm Ahmad. Cet événement a convaincu mon oncle qu’il fallait revenir au pays. Cependant, c’était à Gina que revenait le mérite de l’avoir poussé à prendre cette décision.

En effet, les longues discussions avec Gina, dans les circonstances où elles ont eu lieu, et son désir d’aller en Iraq, l’y ont beaucoup préparé. En outre, John était l’un des plus enthousiastes à l’idée d’y aller.

J’avais, auparavant, informé Gina au sujet de ma mission et des symptômes de ses secrets et de ses desseins ; et que il m’arriverait de disparaître parfois et qu’elle devait l’accepter, en toute modestie. Elle n’a pas objecté, s’étant bien introduite dans la religion de Dieu.

Une fois, elle m’a posé cette question : « par Dieu, Arkâne, lequel des deux régimes, celui de Saddam et le nôtre, ici en Amérique, est le pire ? » J’ai dit non et sans hésitation : « calmes-toi, ma chérie, et sois sûre que ta question ne m’embarrasse pas. L’exemple de l’Amérique et de Saddam est comme l’exemple du diable et du misérable. Il est son partenaire dans ce qu’il fait et il lui dicte ses obsessions. Quels que soient ses excès, le misérable reste moins méchant que le diable et moins pervers. Si ma réponse ne te suffit pas, saches Gina que Saddam allume les incendies chez les gens de l’Iraq alors que l’Amérique attise les séditions partout dans le monde. Gina demanda, toute perplexe, pourquoi les Arabes ne se sont pas intéressés à l’affaire iraquienne ? » J’ai répondu : « ils observent sans cesse et sans se fatiguer, mais ils ne voient ni ne trouvent rien. Leur situation ressemble à la sienne et leur mal est le même. Le malheur de l’Iraq est une caractéristique arabe générale, et la situation des peuples arabes est semblable à la nôtre.




1 Homme de religion musulman autorisé à conclure des contrats de mariage.

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